D’après le roman de Joseph Ponthus. Éditions Sarbacane, 2024, 208 pages, 25 euros.
Joseph Ponthus s’est fait connaître par son livre À la ligne, dans lequel il raconte son quotidien d’ouvrier intérimaire dans des conserveries de poisson ou des abattoirs de Bretagne. Le contenu du livre — narration libre de la réalité ouvrière de notre siècle — ainsi que sa forme — sans ponctuation, en vers libres —, ont fait le succès de l’ouvrage, récompensé par plusieurs prix.
L’aspect romanesque de l’homme, qui a fait des études supérieures, épris de littérature, mort très jeune d’un cancer, a contribué à entourer son œuvre d’un halo de mystère et de nostalgique poésie.
Un dessin aux reflets écaillés
C’est à cette œuvre percutante, traversée de fulgurances, que s’attaque Julien Martinière pour en sortir un superbe roman graphique, à la fois fidèle à l’esprit de l’original — un essai très poignant sur la condition ouvrière au filtre d’une pensée littéraire — approprié par le truchement d’un dessin très riche, précis, qui se greffe sur le rythme particulier du récit, sur une scansion singulière, celle de l’usine, obsédante et parfois onirique. À cet égard, les planches de Julien Martinière animent le monde de la conserverie pour en faire émerger des personnages-poissons très inquiétants, d’une précision clinique, dans un brillant noir et blanc plein de reflets écaillés.
Adapter n’est pas jouer
Adapter un tel texte relève d’un pari un peu fou qui suppose pour Julien Martinière d’imposer sa marque, sa patte, son trait, et de lui permettre de se développer en contrepoint au texte très fort qui n’est plus ici qu’une référence, à la ligne. Ancrée dans l’œuvre de Ponthus, la création originale de Martinière advient tout en finesse, en contrastes, avec beaucoup de force. Le pari est réussi, et si vous avez aimé le livre de Ponthus, ses feuillets d’usine, vous apprécierez de les retrouver dans ce roman graphique.
Claude Moro