Ralentissement de la croissance et inflation : toutes les statistiques nationales vont dans le même sens. Mais une fois de plus, on nous explique que la crise vient exclusivement de l’extérieur et non du désordre capitaliste que les salariéEs devraient accepter sans réagir.
Une salve de statistiques nationales vient d’être publiée dans de nombreux pays. Aux États-Unis, l’activité a reculé au premier trimestre 2022, tandis que les prix à la consommation ont dérapé de 8,5 % (entre mars 2021 et mars 2022). L’administration Biden accuse certaines entreprises de non seulement répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix de vente, mais aussi de profiter de la situation pour engranger des profits supplémentaires. Toutefois, bien entendu, il n’est pas question d’instaurer un contrôle des prix.
En Europe, stagnation du PIB et revenus en souffrance
En Europe, l’Allemagne et l’Espagne affichent une petite hausse de leur PIB (produit intérieur brut) sur les trois premiers mois de l’année mais ce n’est pas le cas de la France, dont l’activité a stagné, et encore moins de l’Italie, qui a vu son PIB reculer de 0,2 %. Résultat, le PIB de la zone euro a progressé de seulement 0,2 % au premier trimestre malgré la fin des restrictions sanitaires liées au Covid. Le moral des ménages est en berne et leur revenu réel est attaqué par l’inflation (sauf, bien sûr, pour ceux qui bénéficient de dividendes) ce qui va peser sur la consommation.
Face à cette situation, la ministre espagnole de l’Économie, Nadia Calvino, a une réponse simple : « Tout dépend de facteurs exogènes que nous ne contrôlons pas et qui sont aux mains de Poutine ». S’il ne fait pas de doute que l’agression contre l’Ukraine pèse sur la situation économique, ce n’est pas la seule cause. La hausse des prix de l’énergie avait commencé avant la guerre et était attisée par les systèmes tarifaires et les taxes (en France, par exemple). Depuis des années, les grandes économies capitalistes sont dopées par l’argent facile organisé par les Banques centrales européennes, puis les plans de relance. Dans le même temps, les gouvernements refusent de prendre les moindres mesures de nature à contrôler les prix… et les banques.
En France, des hausses de prix brutales
Plus précisément, pour ce qui est de la France, toutes les prévisions ont été démenties par la brutalité du ralentissement. Confrontés à des hausses de prix brutales (+ 4,8 % en avril par rapport à l’année précédente), les foyers ont réduit de 1,3 % leurs dépenses, de 2,5 % leurs dépenses alimentaires et de 1,6 % celles d’énergie. Et il n’y a pas que l’énergie qui augmente : la hausse se nourrit désormais aussi d’une « accélération des prix des services, de l’alimentation et des produits manufacturés », souligne l’Insee.
Les prix des produits alimentaires s’envolent de 3,8 % avec même une hausse de 6,6 % pour les produits frais. Selon une évaluation d’un organisme économique, de telles hausses ont un impact trois fois plus important sur les 10 % de ménages à faibles revenus que sur les 10 % aux revenus les plus élevés. Les plus démunis « dépensent chaque mois 40 % de leurs revenus dans le logement, 20 % dans l’énergie et 20 % dans l’alimentation » a rappelé Patrick Artus de la banque Natixis.
Les mesures déjà prises par le gouvernement ou annoncées par Macron entre les deux tours de la présidentielle ne sont que des rustines temporaires ou des aumônes comme la hausse du SMIC (d’ailleurs prévue par la loi) ou celle du point d’indice de la fonction publique.
« Le climat social risque de devenir insurrectionnel »
Outre le contrôle des prix, la question essentielle est celle d’augmentations réelles des salaires, des retraites et des allocations. Mais, dans les entreprises, sauf quand il y a des luttes, les patrons font tout pour limiter les augmentations générales. « Les entreprises sont toujours dans une recherche d’individualisation des politiques salariales », note le cabinet de conseils Syndex qui pointe aussi la montée en puissance des éléments accessoires au salaire, des primes, notamment de la prime Macron (qui dépend du bon vouloir des directions).
Certains commentateurs patronaux s’inquiètent, à l’instar du chroniqueur des Echos, Jean-Marc Vittori, qui écrit : « Avec des hausses de prix dépassant 5 % pour la première fois depuis des décennies, les revendications salariales qui se font déjà entendre ici et là vont prendre une tout autre ampleur. Des grèves risquent d’éclater dès l’automne […]. Le vote d’une loi augmentant l’âge de la retraite aurait le même effet. Le climat social risque alors de devenir insurrectionnel. » Laissons les journalistes rêvasser mais une chose est certaine : quel que soit les résultats des législatives, il va falloir des journées de grève et des kilomètres de manifestations pour que « ceux d’en bas » arrêtent de payer les soubresauts du capitalisme.