Publié le Mercredi 8 janvier 2014 à 22h16.

Les capitalistes s’enGrèce…

Le très nationaliste Premier ministre grec doit étouffer de rage : face aux nombreuses inquiétudes exprimées dans la presse européenne sur les dangers de la présidence grecque de l’Union européenne depuis le 1er janvier, Samaras a dû se contenter de souligner que sa présidence sera l’occasion de montrer les progrès de l’économie grecque…

Il annonce la fin de la crise en 2014 grâce aux mesures douloureuses mais nécessaires prises ces trois dernières années !

Misère des chiffresEn réalité, à Athènes, en dehors des quartiers bourgeois, c’est partout la misère des rues, sur fond d’odeurs de cheminées d’immeubles brûlant du mauvais bois polluant : bien des copropriétaires ont voté contre l’achat de mazout pour le chauffage collectif.Comme le titre le Washington Post, « les chiffres s’améliorent, les problèmes empirent ». Certes, la récession semble moindre que prévu (4 % au lieu de 5,5), prévision pour la fin 2013 d’un léger excédent budgétaire primaire… c’est-à-dire hors charge de la dette qui représente désormais 175 % du PIB ! Ce chiffre indique à lui seul la réalité, y compris de la présidence grecque : derrière le discours officiel, Samaras espère surtout que la troïka n’imposera pas un nouveau mémorandum. Un journal allemand, le FAZ, rappelle à Samaras que la troïka est le fruit des ministres de l’économie et des gouvernements de l’UE et que son rôle n’est pas de négocier mais de contrôler l’application correcte des mesures que le gouvernement grec a acceptées de ses créanciers !

Laboratoire de la régression socialeSamaras aura donc bien du mal à créer l’illusion, sur fond de sondages électoraux plaçant Syriza en tête, car la réalité de ce début 2014 est terrible pour la population : alors que le Pasok et la droite plongent dans des scandales financiers, taxes et impôts s’envolent, et le chômage officiel dépassera bientôt les 27 %.Le ministre de la Réforme administrative, un rejeton de la famille politicienne Mitsotakis, annonce froidement 11 000 licenciements et 12 000 mises en disponibilité dans la fonction publique. Dans la santé, l’hécatombe continue, avec comme ministre un ex-­fasciste, parfaite illustration de la défense par l’extrême droite du libéralisme à outrance : des milliers de postes brutalement supprimés, des services hospitaliers fermés… Si on ajoute à ça l’imposition d’un forfait de 25 euros pour toute hospitalisation, c’est un modèle pour la bourgeoisie européenne.Samaras voudra-t-il faire adopter sur deux thèmes le « modèle grec » à l’Europe ? La question du chômage doit être discutée : or ici, la réponse avancée, c’est la fin des droits, de la recherche inutile d’emplois réels, ce qui se traduit par un exil dramatique de jeunes, diplômés ou pas. Et pour celles et ceux qui travaillent, l’emploi est aujourd’hui souvent maintenu en étant payé avec plusieurs mois de retard (2/3 des salariéEs) ou même pas du tout… L’autre question est celle de l’immigration, pour laquelle Samaras aimerait surtout voir se généraliser la politique de la Frontex : une Europe forteresse (avec ce mur à la frontière gréco-turque, et la chasse aux immigréEs arrivant par mer).

Combattre l’Europe de l’austérité touTEs ensemble !Devant une telle (absence de) perspective, la gauche grecque et européenne a des responsabilités décisives. Syriza joue la carte « responsable », avec personnalisation de son dirigeant Tsipras, désigné candidat du Parti de la gauche européenne pour la présidence de la Commission européenne. Par ailleurs, Syriza veut organiser un colloque sur la dette, et à la fois convaincre les peuples du Nord qu’il est de leur intérêt de soutenir les peuples du Sud (sic) et convaincre les dirigeants européens que Syriza respecte le cadre européen actuel pour y mener une autre politique. Face à cette orientation, en dehors du KKE qui réclame simplement la sortie de l’UE, la coalition d’extrême gauche Antarsya appelle à une première manifestation de toute la gauche le 8 janvier contre les responsables européens réunis à Athènes pour le début officiel de la présidence grecque.Même si cette initiative est bienvenue, une dynamique décisive contre l’Europe du capital ne viendra pas des seules luttes en Grèce (mobilisation enseignante en janvier, actions auto-organisées pour le droit à la santé, luttes contre les centres de rétention des immigrés…), mais surtout de la lutte commune et si possible coordonnée dans tous les pays de l’UE.

D’Athènes, Andreas Sartzekis et Tassos Anastassiadis