Sur un mois à partir du 20 février 2020, les indices boursiers avaient décroché de 34 % aux États-Unis et de 38 % en France. Le coronavirus, qui immobilisait les économies les unes après les autres, avait déclenché une panique et les boursicoteurs ne savaient plus à quel saint se vouer. Cela n’allait pas durer longtemps et aujourd’hui les indices ont à peu près effacé les pertes et retrouvé leurs niveaux du début de 2020.
En moyenne, le krach a été effacé. En moyenne car les performances boursières des entreprises sont très différenciées. Il y a des gagnantes : les industries du luxe, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), Tesla (voitures électriques), ainsi que certaines firmes pharmaceutiques. Et des perdantes comme le tourisme-loisirs et le secteur aéronautique avec la fermeture des frontières et des milliers d’avions cloués au sol depuis le début de l’année... Mais globalement, tout va bien en bourse au point qu’il y a rarement eu un tel décalage entre les valeurs boursières des entreprises et leurs bénéfices.
Inégalités face à la crise
Pourtant, la réalité économique telle qu’elle pèse sur la grande majorité de la population est loin de ce climat euphorique. Tous les grands organismes économiques pourtant au service du capital (FMI, OCDE, etc.) pointent le décalage dans leurs prévisions pour 2021. Le rebond prévu de la croissance n’effacera pas le recul de 2020 et, sauf en Chine, ce n’est que tout à la fin de 2021 ou en 2022 que sera retrouvé le niveau d’activité de 2019. Les travailleurEs du bas de l’échelle font particulièrement les frais de la crise. Le chômage va rester à des niveaux élevés. L’avenir est sombre pour une bonne partie de la jeunesse. La misère se répand et de plus en plus de personnes sont dépendantes des minima sociaux (quand ils existent), voire des aides alimentaires. Partout, les entreprises s’efforcent de réduire les emplois et d’imposer des conditions de travail dégradées aux salariéEs. Et les gouvernements parlent de resserrer les ceintures sur les dépenses une fois la pandémie apaisée afin de payer les énormes dépenses de l’année dernière et l’accroissement des dettes publiques. Et la reprise de la croissance sera aussi celle du réchauffement climatique.
Économies sous perfusion
Alors sur quoi repose l’optimisme des bourses ? D’abord, sur la vaccination : certes, il y aura des secteurs perdants et des restructurations mais la machine à profit repartira. L’avenir dira si ces espoirs seront déçus. Outre les incertitudes sanitaires, les dettes des entreprises ont fortement augmenté et une vague de faillites se profile avec contamination possible à certaines banques. Mais c’est là qu’intervient la deuxième raison d’optimisme pointée par le FMI dans un document de la fin novembre 2020 : les États et les banques centrales seront toujours là pour soutenir les grandes entreprises et les banques.
C’est une des leçons de cette crise : jamais, sauf pendant les deux guerres mondiales, l’économie privée n’a été à ce point maintenue sous perfusion, du moins pour les grandes entreprises et les banques. Les baisses de chiffre d’affaires des entreprises ont été couvertes par des remises d’impôt et de cotisations sociales, des subventions et des prêts garantis par l’État. Les banques ont pu se procurer des fonds sans limite auprès des banques centrales. Avec le chômage partiel, une partie des salaires a été prise en charge par les fonds publics. Tout ça sans contrepartie.
La vraie nature du néolibéralisme s’est encore plus révélée : ce n’est pas moins d’État mais plus d’État au service de l’économie privée. Sans parler du renforcement des moyens répressifs s’il venait à ceux qui font les frais de la crise la possibilité de faire sentir clairement aux puissants que ça suffit de ce système irrationnel.