Le 18 mai, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont tenu une conférence de presse commune annonçant leur accord sur une proposition de création d’un fonds pour la relance de l’économie européenne de 500 milliards d’euros, destinés à soutenir les pays les plus touchés par la crise. Ce fonds serait alimenté par un emprunt levé par la Commission européenne et les sommes seraient versées sous forme de subventions.
La balle a été reprise par la Commission qui annoncé son plan de 750 milliards d’euros : 500 milliards de subventions et 250 milliards de prêts. Les sommes sont significatives au regard des ressources habituelles de la Commission européenne, même si le Parlement européen juge nécessaire des montants plus importants (2000 milliards d’euros) et si la seule Allemagne a programmé des aides à hauteur de 1000 milliards d’euros. Il faut dire que la crise est d’ampleur : la Banque centrale européenne prévoit une baisse du produit intérieur brut de la zone euro de 5 à 12%.
Règles du pacte de stabilité levées
Ceci dit, le plan n’est pas encore prêt d’être mis en œuvre : les États d’Europe du Nord les plus acharnés à défendre les règles habituelles de fonctionnement de l’Europe traînent des pieds et, pour l’instant, ne veulent pas entendre parler de dons. Cela promet des débats difficiles et longs mais si le tandem franco-allemand reste soudé (avec le soutien de l’Espagne et de l’Italie), le programme devrait être, avec plus ou moins de bémols, mis en œuvre.
Ce plan s’inscrit dans la logique des politiques économiques adoptées en France et ailleurs. Avant le coronavirus, le cocktail était une combinaison d’austérité budgétaire et de largesses de la Banque centrale européenne (BCE) qui déversait des milliards d’euros vers les banques, notamment en leur rachetant des titres de la dette publique. Cette action de la BCE a permis la préservation de la zone euro. Mais la profondeur de la crise a remis en cause ce dosage : tous les États ont engagé d’énormes dépenses avec la bénédiction de Bruxelles qui a levé pour un temps les règles du pacte de stabilité. Il était donc logique que la Commission se dote elle aussi d’un plan de relance. Un nouvel élément s’est ajouté : le 5 mai, la Cour constitutionnelle allemande avait jugé que les interventions de la BCE n’étaient pas vraiment conformes aux traités européens, mauvais signal qui pouvait rendre plus difficile l’action de la BCE et qui a incité Angela Merkel à accepter ce qu’elle refusait jusque-là : des subventions aux États en difficulté financées par un emprunt européen.
Aider les capitalistes européens à passer un cap difficile
Pourquoi ce revirement de Merkel ? Dans un monde en crise, les cercles dominants du capitalisme allemand pensent qu’il vaut mieux pour eux être dans la cadre européen qu’isolés. D’autant que Trump remet en cause toute solidarité avec les traditionnels alliés européens de l’Amérique. Les dirigeants de la bourgeoisie ne sont pas des dogmatiques : si les circonstances changent, ils peuvent infléchir leurs politiques pour préserver leurs intérêts. D’autant qu’il a été précisé que les financements du futur plan seraient conditionnés aux respects des règles européennes, c’est-à-dire du néolibéralisme.
Les principaux syndicats allemands et français (DGB allemand et CFDT, CGT, FO et UNSA) ont publié le 20 mai une déclaration commune se félicitant de l’initiative Merkel-Macron. On peut se demander ce qui a motivé ceux des syndicats français (CGT et FO) qui se sont battus contre les lois travail et contre la réforme des retraites à soutenir un plan qui, s’il est mis en œuvre, n’a comme objectif que d’aider les capitalistes européens à passer un cap difficile sans remettre en cause l’essentiel de leurs politiques antisociales.
Des initiatives seraient bien sûr nécessaires au niveau européen : une taxe sur les grandes fortunes et les grandes entreprises pour financer des mesures sociales et écologiques, la remise en cause du boulet de la dette publique, la socialisation des banques… Mais cela, Macron, Merkel et consorts n’ont pas l’intention de le faire. Leur plan de relance ne vise qu’à remettre de l’huile dans les rouages grippés du capitalisme.