À l’heure de l’austérité, de la hausse de la TVA, des sacrifices imposés aux plus démunis, présentés comme toujours plus incontournables, la « révélation » des retraites-chapeaux des dirigeants de PSA ou d’Air France font désordre. Dans les deux cas, c’est bien l’austérité pour les uns, l’indécence pour les autres.
Dans la société Air France, d’après le SPAF (syndicat des pilotes d’Air France) et SUD Aérien, entre 2005 et 2011 ont été provisionnés plus de 110 millions d’euros pour assurer une retraite dorée à quelques hauts dirigeants de la compagnie. Un montant estimé, puisque le montant de la provision n’apparaît pas en lecture directe dans les comptes. Ce fonds existe pour le bénéfice de 30 cadres dirigeants de la compagnie.Ces hauts cadres peuvent toucher à vie entre 35 et 40 % de leur rémunération moyenne annuelle des trois dernières années d’activité, avec, pour seule condition d’ancienneté, être resté 7 ans à Air France. Spinetta (ancien PDG de la compagnie) a ainsi décidé de liquider sa retraite en 2009, retraite à vie de 490 à 560 000 euros ! Pendant ce temps-là, depuis plus de deux ans, les salaires sont bloqués chez Air France, plus de 7 500 emplois ont été supprimés et les salariés subissent plan social sur plan social.La direction affirmait la semaine dernière que ce système avait été supprimé… depuis janvier 2013, et que le PDG en fonction y avait renoncé, alors que lors de la dernière AG des actionnaires en mai 2013, elle avait bien confirmé la persistance de ce fonds, indiquant même une provision de 34 millions d’euros. Les 30 bénéficiaires de ce dispositif n’ont jamais déclaré y renoncer. Mais le culte du secret honteux est toujours en vigueur à Air France : la liste des hauts cadres en question n’est pas publique, pas plus que le montant de leur rémunération annuelle…120 millions d’euros, répartis entre les 60 000 salariés d’Air France, cela donnerait 2 000 euros pour chacun… De quoi récupérer une petite partie de tout ce qui a été perdu depuis deux ans.
Licenciements pour les uns, retraites dorées pour les autres…Quelques semaines après la fermeture du site d’Aulnay avec des milliers de salariéEs jetés à la rue, après la signature d’un accord de compétitivité visant à économiser 125 millions d’euros en imposant sacrifices financiers et dégradation des conditions de travail, l’annonce des sommes mises de côté pour la retraite du PDG licencieur Varin a suscité l’indignation et la colère.Devant le tollé, Varin fait mine de renoncer à cette retraite « dans les dispositions actuelles » : « Je m’en remets au conseil de surveillance du groupe pour décider, quand le moment sera venu, et après avis du haut comité de gouvernement d’entreprise, des conditions appropriées de mon départ à la retraite. » Rien que des amis qui sauront le rétablir dans ses « droits » une fois le quart d’heure d’indignation passé. Sans craindre que Gallois, représentant de l’État au conseil de surveillance de PSA, soit plus vigilant qu’il ne l’a été jusqu’à ce jour. De son côté, la direction de PSA prétend que M. Varin « ne part pas en retraite » et que s’il le fait, il ne percevra « que 310 000 euros par an », soit quand même 25 800 euros par mois…Bien sûr, ces annonces font désordre au moment où le gouvernement prétend s’attaquer aux injustices fiscales tout en poursuivant sa politique d’austérité. Ainsi, plusieurs membres du gouvernement ont exprimé leur « désapprobation ». Pourtant, les retraites-chapeaux sont un dispositif légal… qu’il est question de remettre en cause lors de chaque nouveau scandale. Il avait été question de les encadrer, mais les pouvoirs publics font confiance à l’auto-régulation et se contentent d’un code de « bonne conduite » du Medef. Les bons comptes font les bons amis.
Léon Crémieux et Robert Pelletier