Publié le Samedi 17 mai 2014 à 17h00.

Taxe sur les transactions financières : enterrement de première classe

Le 7 mai dernier, Hollande s’est félicité du franchissement par l’Europe d’une « étape majeure » allant « dans le sens de ce qu’a toujours défendu la France ». Les ministres des Finances des 11 pays membres étaient en effet parvenus à s’entendre la veille sur la première étape de la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières...

Celle-ci verra le jour en Europe en 2016 et ne concernera en réalité qu’une part réduite des produits financiers. Plus franc que Hollande, le quotidien financier les Échos donnait son diagnostic : « une taxe sur les transactions financières (TFF) qui soit une véritable taxe Tobin ne verra probablement jamais le jour ». James Tobin est un économiste américain qui, effaré par l’ampleur des transactions sur les monnaies (achats et ventes), a émis en 1972 l’idée de les taxer pour limiter leur effet déstabilisateur sur les économies. Comme les spéculateurs jouent sur des variations limitées des taux de change, l’idée est qu’une taxe, même à un faible taux, découragerait de nombreuses opérations. Attac en 1998 a repris la proposition de Tobin mais en l’étendant à l’ensemble des transactions financières. Le NPA s’est inscrit dans le mouvement militant en faveur d’une telle taxe tout en en soulignant les limites : elle ne suffirait pas à faire face à la spéculation financière, il reste nécessaire d’instaurer des contrôles de tous les mouvements de capitaux et de socialiser  le système bancaire.

Vidé de tout contenuDans le contexte de la crise de 2008, des gouvernements (notamment la France et l’Allemagne), le Parlement européen, la Commission de Bruxelles se sont prononcés en faveur de la taxe. Il s’agissait en fait de faire un contre-feu par rapport au mécontentement populaire suscité par les milliards d’euros de soutien aux banques sans contrepartie. Ensuite, au fil des conseils des ministres et de chefs d’État européens, le projet s’est plus en plus vidé de son contenu. Au mépris des engagements pris par les uns et par les autres : Hollande dans son célèbre discours du Bourget en janvier 2012, Merkel dans l’accord de coalition conclu en novembre 2013 avec les sociaux-­démocrates allemands. D’autant que s’agitaient les lobbies bancaires. Ceux-ci ont été entendus, notamment par les socialistes français : à l’été 2013, le ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, Pierre Moscovici a subitement rétropédalé, en dénonçant la « proposition excessive » de la Commission. Dans le projet adopté il y a quelques jours par les ministres européens, la taxation des produits dérivés est donc repoussée aux calendes grecques. Le projet initial de la Commission prévoyait 35 milliards de recettes, la taxe devrait finalement rapporter quelque 5 milliards... Elle est moins ambitieuse qu’une taxe existant déjà en Grande-Bretagne et appelée « stamp duty » (droit de timbre). L’ONG anglaise Oxfam dénonce le « trompe-l’œil », et Attac s’indigne du rôle majeur de la France de Hollande dans cette reculade. Le capital a gagné : ce n’est pas étonnant quand on voit l’empressement des gouvernements européens, de droite et de gauche, à exaucer le moindre de ses vœux.

Henri Wilno