Face à l’explosion des cas de COVID-19 parmi les élèves et les personnels de l’Éducation Nationale, Macron semble donc être revenu à la raison. La bonne nouvelle, s’il y en a une, c’est sans doute que le gouvernement reconnaît officiellement que le virus circule dans les établissements scolaires, après des mois de déni de la part de son ministre Blanquer. Et c’est bien là le problème. Car, si cette décision a pu être accueillie avec une forme de soulagement par les personnels qui échappent provisoirement au risque d’attraper le COVID en allant travailler, le sentiment qui domine est malgré tout la colère.
Dans les zones où le taux d’incidence était monté en flèche, cette mesure de limitation du risque arrive bien tardivement. Macron et Blanquer ont beau jeu de se vanter d’avoir retardé le plus longtemps possible leur décision : ce « temps gagné », comme ils disent, nous savons qu’il se compte pour nous, nos élèves et leurs familles, en milliers de malades et en centaines de morts.
C’est ce que n’ont eu de cesse de répéter les collègues des établissements en droit de retrait ces dernières semaines. Les rectorats, qui ont systématiquement dénoncé leurs droits de retrait et expliqué qu’il y avait zéro risque dans les établissements scolaires, devraient avoir à rendre des comptes depuis que le Président de la république a officiellement reconnu l’inverse.
Impression de déjà-vu
Mais la colère vient aussi de l’absence d’anticipation de ce passage en distanciel, laissant profs et élèves se débrouiller par eux-mêmes, quasiment du jour au lendemain. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de mars 2020. Une fois encore, jusqu’à l’annonce de Macron, Blanquer a persisté dans sa stratégie consistant à aller de média en média pour répéter en boucle que les écoles ne fermeraient pas, au lieu de faire son job de ministre et de préparer l’institution à une éventualité à laquelle il aurait dû s’attendre.
Il a préféré soigner son image sur les réseaux sociaux et partager une chanson inspirée de Pink Floyd où l’on entend « Je déteste l’éducation en distanciel ». Quel mépris pour les personnels, alors qu’il leur demande justement, trois jours plus tard, de s’adapter à cette nouvelle forme de travail… avec les moyens du bord !
Car oui, nous aussi nous détestons les cours en distanciel, et nous savons les dégâts psychologiques, sociaux et éducatifs qu’ils comportent. Mais nous refusons l’instrumentalisation de ces souffrances pour justifier le déni sanitaire. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui la politique irresponsable de Macron et Blanquer nous a fait perdre sur les deux tableaux : nous avons la catastrophe sanitaire et « en même temps » la catastrophe éducative.
Une catastrophe que l’on aurait pu éviter
Il faut rappeler que des solutions existaient pour ne pas en arriver là, et que ces solutions ont été portées, sans relâche, par les travailleuses et les travailleurs de l’éducation, depuis le début de la crise, localement et au travers de leurs syndicats. Fourniture gratuite de masques chirurgicaux et de FFP2, passage en demi-groupes partout, embauche de personnels d’entretien, médicaux et sociaux, achat de purificateurs d’air, réquisition de locaux, etc. Le ministre des fenêtres ouvertes n’a pas voulu mettre un centime pour protéger les écoles du Covid-19. On voit où cela nous a menés.
Blanquer et Macron portent donc l’entière responsabilité de cette fermeture des établissements. Cet échec est leur échec. C’est aussi et avant tout celui d’un mode de gouvernance autoritaire et méprisant de l’École.
L’urgence de la démission de Blanquer, ce ministre irresponsable et dangereux, qui rend 640 millions de budget alors que jamais l’École n’en a eu autant besoin, doit être posée et imposée avec force.
Rouvrir : quand et comment ?
Les dégâts de l’éducation à distance ne nous font cependant pas oublier le risque de l’épidémie dans les écoles. Car même si nous avons gagné quelques jours de répit, rien n’indique que la situation sera maîtrisée le 26 avril, date de la réouverture en présentiel des écoles maternelles et primaires. Ces trois semaines de fermeture, alors que nul ne sait exactement quand aura lieu le pic de la troisième vague, suffiront-elles à écarter le risque pour les personnels et les élèves ?
Et si ce n’est pas le cas, le gouvernement décidera-t-il de prolonger la fermeture des écoles, ou de renvoyer profs et élèves en classe, dans les mêmes conditions que celles que l’on vient de connaître ces dernières semaines ?
L’erreur serait en tous cas de se satisfaire des promesses de vaccination des profs, rabâchées par la communication ministérielle. Le fiasco de la politique vaccinale incite plutôt à la méfiance, et de toute façon le calendrier annoncé ne garantit une protection des personnels qu’au cours du mois de juin… au minimum.
En Angleterre, les personnels de l’éducation, appuyés par leurs syndicats, ont mené un bras de fer victorieux avec le gouvernement, mettant en balance leur refus de revenir dans les classes si les conditions sanitaires n’étaient pas réunies. Il y a sans doute là un modèle dont peuvent s’inspirer les enseignant-es français-es. Car les derniers jours l’ont prouvé à nouveau : il n’y a qu’en prenant nos propres affaires en main que nous pourrons nous protéger de la catastrophe sanitaire et éducative.