Après les mobilisations des établissements d’Île-de-France, les personnels de l’Éducation ont saisi la journée du 23 mars pour relancer leur mobilisation. La lutte contre les suppressions de postes et la réforme de la formation des enseignants est à la croisée des chemins. Après la réussite de la grève du 12 mars dans les collèges et les lycées, alors que les établissements découvrent l’ampleur des dégâts et se mobilisent localement pour réclamer des postes au rectorat, la mobilisation semble s’essouffler. Le 18 mars, ils n’étaient plus qu’un millier entre Odéon et la rue du Bac à l’appel de l’intersyndicale de l’académie de Créteil et de l’assemblée générale des grévistes d’Île-de-France. Une soixantaine d’entre eux se sont retrouvés à la Bourse du travail pour discuter des suites du mouvement. S’ils ne désarment pas, l’ambiance était un peu morose et les perspectives incertaines. Le collège Gabriel-Péri d’Aubervilliers, qui a voté la grève reconductible pour la semaine du 22 au 26 mars, veut raviver le mouvement par la « grève marchante », qui, début février, avait fait le succès de la mobilisation. Des actions « coup d’éclat » en direction de la population, comme celles du mardi 16 mars à la gare du Nord et aux Halles (Paris), et des manifestations locales, comme celle très réussie de Saint-Denis, ont été proposées. L’assemblée générale des grévistes a appelé à manifester en masse le 23 mars, journée d’action interprofessionnelle, et à venir nombreux après la manifestation discuter des suites à donner au mouvement : « Les retraites, les salaires et l’emploi sont attaqués dans tous les secteurs par la même politique de restrictions budgétaires et par le même type de réformes rétrogrades qui entendent en finir avec les services publics, les statuts, les conventions collectives et le code du travail. Nous pensons que c’est tous ensemble que nous pourrons y faire échec et gagner sur des revendications unifiantes. Nous voulons attirer l’attention de l’ensemble des travailleurs, des citoyens de ce pays, sur la démolition systématique du service public d’éducation, qui ne sera bientôt qu’un champ de ruines, si nous ne nous donnons pas, ensemble, les moyens de stopper cette agression. » De nombreuses actions étaient prévues le matin du 23 mars dans les villes limitrophes de Paris : AG, occupations d’écoles, défilés, manifestation départementale.
Mais il faut des perspectives pour après. L’absence de relais véritable jusqu’ici dans les autres académies, la frilosité des directions syndicales au niveau national et la difficulté à étendre de « la maternelle à l’université » ont découragé de nombreux enseignants pourtant prêts à en découdre il y a encore une semaine. Car s’ils ne veulent plus perdre une journée de salaire à défiler sous un ballon et sont prêts à se lancer dans un mouvement dans la durée, ils ne veulent pas non plus le faire « pour la gloire ». Si la majorité des grévistes s’y refuse encore, certains pensent déjà à des revendications plus locales, et recentrées sur les seules conditions d’enseignement en Seine-Saint-Denis. Cet essoufflement n’est peut-être qu’un palier, inévitable sans doute à cause de la durée du mouvement dans le département. Car la colère est bien réelle et la dynamique du 23 mars peut redonner souffle et espoir. Par ailleurs, d’autres secteurs, comme la SNCF, appellent à la reconduction dès le 24. La sanction du gouvernement aux élections régionales est aussi un facteur à prendre en compte et dont les grévistes peuvent tirer profit. Anne Lafran