Au fur et à mesure que les détails du « pacte » sont révélés par le ministère de l’Éducation nationale et alors qu’il est censé s’appliquer dès la rentrée prochaine, les inquiétudes des personnels ne font qu’augmenter.
Dans une parfaite illustration des « remplacements de courte durée », Macron s’était substitué à son ministre de l’Éducation nationale, le 20 avril dernier, à quelques mètres d’un concert de casseroles, pour annoncer la mise en place d’un « pacte » censé répondre au besoin de revalorisation salariale des personnels, à condition d’accepter du temps de travail supplémentaire.
Concrètement, il s’agirait de la possibilité de s’engager pour une, deux ou trois missions supplémentaires ou « briques », chacune donnant droit à une prime annuelle de 1 250 euros. D’après les précisions apportées petit à petit par le ministère, ces « briques » correspondraient à trois types de missions : le remplacement au pied levé des collègues absentEs, l’aide aux devoirs, ou encore des tâches non quantifiables comme la coordination de projet ou le tutorat des élèves en difficulté.
Pas de primes, mais des revalorisations de salaires
Les syndicats ne s’y étaient pas trompés et avaient rejeté en bloc ce pacte faustien, en claquant la porte des négociations le 6 janvier dernier. Ils continuent en effet d’exiger une réelle revalorisation, sous forme de salaire et non de prime, sans contrepartie, a minima pour compenser la baisse des salaires en euros constants due à l’inflation.
Surtout, derrière l’idée du pacte, il y a l’idée de contractualisation, qui ouvrirait une énorme brèche dans le statut des fonctionnaires. En individualisant la rémunération, en donnant la main aux chefs d’établissement dans le secondaire et aux directeurs d’école dont la loi Rilhac a renforcé les pouvoirs, il affaiblirait les garanties de défense collective face aux pressions de l’administration.
Nul doute qu’en créant deux catégories de personnels, les « pactéEs » et les autres, cette mesure risque de faire exploser les salles des maîtres et salles des profs et de fragiliser encore plus des collectifs qui souffrent d’une atomisation du métier, accentuée par les dernières réformes et accélérée par la crise du Covid. Le pacte, ce serait le règne des petits arrangements individuels, de la mise en concurrence des personnels, une sorte de « concours de l’employé du mois » permanent.
Opération de communication et spéculation cynique
De son côté, le ministre fanfaronne dans les médias et annonce un taux d’adhésion au pacte « au-delà de ses espérances », au-delà de 30 %, notamment en REP et chez les jeunes professeurEs. Nul ne sait d’où viennent ces chiffres… À ce jour, aucun personnel n’a été invité à signer formellement un pacte dont les termes ne sont d’ailleurs pas encore formalisés.
Cet optimisme du ministre relève donc en partie de l’opération de communication, mais aussi d’une forme de spéculation cynique sur la situation financière des personnels. Le comble du cynisme étant le Pacte spécial lycées professionnels avec un choix à prendre ou à laisser : 7 500 euros pour faire tout ce que le chef d’établissement pourrait exiger. PrécariséEs par l’absence de réelle revalorisation depuis des années, une partie des enseignantEs risque bien d’être contraintEs d’accepter n’importe quelle contrepartie afin de pouvoir boucler ses fins de mois.
Il faut malgré tout espérer et construire un fort mouvement de boycott, comme la profession enseignante a réussi à le faire à plusieurs reprises dans son histoire. Cela passe par le fait que les syndicats continuent à rester clairs dans leur refus et organisent la contestation. Cela passe aussi par des discussions au quotidien, entre collègues, pour se dire que le pacte ce n’est pas juste une autre façon de rémunérer des tâches que nous faisons déjà en plus, mais bien une menace directe contre tout ce qui restait de collectif dans nos métiers.