Pour le nouveau ministre de l’Éducation nationale, une rupture urgente avec la politique de Blanquer consisterait en des gestes très concrets : l’arrêt de toutes les mesures de répression et d’intimidations contre des équipes enseignantes qui cherchent à faire vivre des projets pédagogiques et des relations démocratiques entre pairs en leur sein.
La Seine-Saint-Denis est un des terrains où cet enjeu est posé de la manière la plus immédiate. Ce département, le plus jeune de métropole, compte le plus de besoin d’éducation prioritaire, c’est-à-dire d’équipes enseignantes soudées par une cohérence de travail mais aussi ouvertes à l’expérimentation pédagogique. Tout l’inverse des petits soldats de la République laïque rêvée par Blanquer.
Une belle expérience pédagogique brisée
Ainsi, à l’école Pasteur de Saint-Denis, au cœur d’une des plus grosses cités de la ville, une équipe pédagogique de 19 enseignantEs qui s’était constituée depuis 10 ans, gagnant la confiance des parents d’élèves qui décrivaient non seulement la réussite scolaire mais l’épanouissement de leurs enfants, a été attaquée pour ce qu’elle était, et ce qu’elle faisait. « La nouvelle directrice a mis en place des pratiques managériales allant contre le fonctionnement collectif et coopératif de notre équipe et ne prenant jamais en compte l’intérêt des enfants. Empêchements à travailler (rétention d’informations, non-accès au matériel et aux locaux), autoritarisme (non respect des décisions du conseil des maîtres et maîtresses, interdiction de sorties) pressions psychologiques, humiliation devant parents et élèves, mensonges, diffamation et propos calomnieux, incitation auprès de parents d’élèves à produire des écrits ou même porter plainte contre des enseignantEs pour motifs calomnieux, et autres fautes professionnelles graves, comme la falsification des élections de parents d’élèves. » C’est ce qu’écrivait cette équipe début avril pour s’opposer à la mutation dans l’intérêt du service de six d’entre elles et eux.
Décision prise sur la base des assertions de cette directrice qui avait été déplacée (avec promotion en janvier) après avoir diffamé les collègues dans des médias d’extrême droite. Preuve que pour l’administration, elle avait « fait le job » attendu d’elle. Après trois semaines de mobilisation de toute l’équipe, des parents et des élèves, les six enseignantEs mutés sont en arrêt maladie, 14 collègues ont demandé leur mutation et les enfants sont dans une situation de réelle détresse psychologique, au milieu d’adultes qui vont mal, et ils ont perdu dès l’école primaire toute confiance dans l’institution scolaire. Une intervention du ministère est dès lors impérative pour tenter de réparer ce qui a été cassé ; cela ne coûte rien en moyens, qui manquent dramatiquement dans le département.
Autre enjeu urgent : le respect du fonctionnement « démocratique », avec autant de guillemets que l’on veut, du conseil des maîtres et maîtresses dans l’organisation des écoles. Ainsi la Direction départementale 93 a-t-elle décidé de supprimer en maternelle les classes multi-âges choisies par des équipes. Il s’agit de dégager des moyens pour appliquer le dédoublement, devenu la carte de visite de Blanquer, aux grandes sections de maternelle. Qu’importe que cela se fasse aux dépens des conséquences de l’augmentation du nombre d’enfants dans les autres niveaux et en balayant les effets de pédagogies reconnues par les enseignantEs et les familles. Ce mépris pour les enseignantEs mais aussi pour les habitantEs du territoire du 93 était une des signatures de Blanquer. Que va faire le nouveau ministre ? Il a quelques semaines pour poser des actes.