Pour sortir de la crise politique ouverte par l’opposition massive à sa réforme des retraites, Macron a décidé de s’en prendre à l’une de ses cibles favorites : l’école. Au cours de sa déambulation dans les rues de Marseille, le président-ministre de l’Éducation nationale a donc égrené les annonces, sans aucune concertation préalable ni avec les personnels ni même avec le cabinet de son propre ministre Pap Ndiaye.
Son fil rouge, c’est le « plus d’heures d’école », que ce soit en rallongeant les journées ou en raccourcissant les vacances estivales. Une petite musique qui a l’avantage, comme avec la mise en place du Pacte, de désigner les boucs-émissaires de tous les maux de l’école : ces fainéants de profs qui ne bossent pas assez.
La première annonce concerne la scolarisation dès 2 ans des enfants en Rep+. Derrière ces belles intentions, Macron occulte le fait que la mesure existe depuis 2013 mais qu’il a lui-même supprimé tous les moyens qui y étaient affectés, contribuant à faire baisser, année après année, le taux de scolarisation des moins de 3 ans… Là encore il s’agit d’un effet d’annonce sans moyens fléchés, destiné donc à donner l’impression d’une politique sociale à peu de frais.
Le collège-garderie dans les quartiers populaires
Même chose avec l’ouverture des collèges Rep tous les jours de 8 h à 18 h, dont personne ne comprend vraiment ce que cela pourra bien signifier concrètement. Que devront faire les élèves pendant ces 44 h hebdomadaires passées entre les murs du collège ?
On peut craindre tout d’abord que derrière cette annonce démagogique se cache une occasion de plus pour faire entrer la sphère privée dans l’Éducation nationale. On peut aussi s’interroger sur le sens de cette annonce, au milieu d’une journée thématique sur la lutte contre la délinquance. Par un amalgame douteux, Macron entretient l’idée que les jeunes des quartiers populaires ne seraient pas bien éduqués dans leur milieu familial, et que la solution serait de leur imposer une sorte d’assignation à résidence permanente au sein des collèges, réduits à une fonction d’enfermement et de contrôle.
Difficile d’oublier également que le système scolaire que construit Macron, c’est celui de l’ordre militaire et capitaliste. Que ce soit au travers du SNU, généralisé en seconde, ou de la demi-journée dite de « découverte des métiers » dès la classe de 5e, on voit que l’émancipation par la culture commune est loin d’être la priorité du président.
Trop de vacances ?
Enfin, pour n’oublier aucun des clichés du prof-bashing, Macron a évoqué la réduction des vacances scolaires d’été… en partant d’un mensonge ! Contrairement à ce qu’il prétend, la France est loin d’être le pays où les congés estivaux sont les plus longs, au contraire. Et si le troisième trimestre est de plus en plus difficile à « conquérir », c’est avant tout à cause de la réforme du lycée et des épreuves anticipées du bac. La faute donc à un certain Jean-Michel Blanquer.
On ne peut pas non plus augmenter le temps scolaire pendant la période estivale sans prendre en compte le changement climatique et l’inadaptation totale de l’immobilier scolaire aux températures extrêmes. Comment peut-on sérieusement envisager de faire cours dans des salles qui montent à 30 °C ?
De manière bien hypocrite, Macron justifie ses annonces par la nécessité de lutter contre les inégalités sociales. Il désigne le milieu familial comme seul responsable des inégalités de réussite à l’école. Laquelle serait, elle, exempte de tout défaut et de toute responsabilité dans la reproduction des inégalités. Or on sait depuis Bourdieu au moins que c’est une contre-vérité.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de renoncer à se battre pour que le système scolaire puisse contribuer à la réduction des inégalités entre les élèves. Mais d’une part on ne peut pas tout attendre de l’école, et d’autre part on ne pas se contenter d’une politique d’inflation des heures d’école sans réflexion sur les pratiques et le sens du système éducatif. La réduction des inégalités ne passera que par une transformation radicale de la société et de l’école.
Les révoltes actuelles après la mort de Nahel à Nanterre montrent que la jeunesse des quartiers populaires a un ras-le-bol légitime vis-à-vis de l’oppression systémique qu’elle subit dans le cadre des institutions. À cette juste révolte, il ne suffira pas de répondre, comme le fait Macron, par une poignée de mesures coercitives et quelques éléments de langage.