Pour le gouvernement, la rentrée scolaire 2014 c’est « tout va très bien ». La preuve en est sûrement l’absence de mobilisations... Pourtant, personnels, élèves et parents dénoncent une réalité qui, dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis (93), annonce la catastrophe.
L’Éducation nationale a subi entre 2002 et 2012 la suppression de 80 000 postes, alors que ces 3 dernières années, le nombre d’élèves a augmenté de 37 800. Le gouvernement se félicite de la création de 2 355 postes d’enseignantEs pour les écoles maternelles et élémentaires en 2014. Mais en Seine-Saint-Denis (qui a « bénéficié » de 150 postes), rien que pour revenir au nombre d’enfants par classe de 2002, il faudrait 1 068 postes supplémentaires ! Et on ne parle même pas d’amélioration des conditions de travail.Le jour de la rentrée, il manquait une trentaine d’enseignantEs dans les écoles primaires du 93. Rien qu’à Saint-Denis, il en manquait 19, dont 9 dans le seul quartier de la ville classé REP +, cette nouvelle appellation mise en place pour justifier la démolition des anciennes zones d’éducation prioritaire ! Dans ces écoles censées scolariser plus d’enfants de deux ans, avoir plus d’enseignantEs que de classes, offrir des jours de formation aux enseignantEs sur leur temps de travail, les parents ont dû occuper l’école pour obtenir des enseignantEs. Et sur deux classes, les enfants en sont au cinquième « remplaçantE », les vacataires sans formation ne pouvant faire face. Les parents d’élèves du 93 ont calculé qu’un enfant perd en moyenne un an de scolarité du fait des absences non remplacées... Alors, le rectorat a innové : depuis la mi-septembre, Pôle emploi 93 a ouvert une plateforme de phoning pour recruter 300 vacataires prêts – sans aucune formation – à prendre en charge des classes du primaire pour un salaire à peine au-dessus du SMIC.
Au bord de l’explosionDans le secondaire, la crise est à peine moins voyante. Sur les cinq nouveaux collèges livrés pour la rentrée (tous construit en partenariat public privé PPP), tous privés des moyens supplémentaires alors qu’ils devraient être en zone d’éducation prioritaire, les conditions sont ubuesques : manque de personnels de vie scolaire (CPE et AED), profs contractuels en nombre par manque de titulaires, absences de lignes de téléphone dans les bureaux, prises pour les ordinateurs mal montées, matériel informatique pas arrivé, pas de papier ni de savon dans les toilettes... Toutes les conditions pour provoquer des explosions sont réunies.La semaine dernière, dans deux établissements, à Aubervilliers et Saint-Denis, les personnels ont arrêté le travail faisant valoir le droit de retrait. Il faut dire que les tensions autour des établissements sont avivées par le nombre de jeunes de moins de 16 ans qui ne trouvent de place ni en collège ni en seconde. Des centaines de jeunes errent autour des établissements d’où ils se font refouler sans solution. Résultats : intrusions et bagarres entre jeunes (parfois armés de marteaux, de barres de fer ou de sabres) : dans un tel contexte, tout devient prétexte à affrontement.Face au déni des pouvoirs publics – maires, conseil général, rectorat qui assure au mépris des réalités qu’ils font au mieux – l’espoir, c’est la construction de mobilisations qui se fédèrent. Depuis la rentrée, il n’y a pas un jour dans le département sans occupation d’école, cri de colère désespéré des parents. À Saint-Denis, une AG rassemblant des parents d’élèves, des enseignantEs et des animateurs s’est tenue le 30 septembre. Vendredi 3 octobre, elle a organisé un pique-nique devant la mairie sur le temps de grève des personnels de cantine et appelle à des occupations d’école avec rassemblement devant l’inspection le lundi 13 octobre. À suivre.
Cathy Billard