Les gouvernements successifs de droite comme de gauche n’ont eu de cesse de détruire les services publics. Certains ont été démantelés par des privatisations totales ou partielles, d’autres ont été totalement désorganisés sous couvert de « rationalisation », et la majorité d’entre eux ont subi des suppressions massives d’effectifs.
Qui n’a pas entendu l’éternel refrain qu’il y avait trop de fonctionnaires en France et même qu’il y en aurait toujours plus ? Contrairement à ce que certains aimeraient nous faire croire, le nombre de fonctionnaires n’a pas explosé et, comparé à la population totale, il n’a pas autant évolué depuis 1980 (7,19 % à 8,50 % entre 1980 et 2015). Depuis des années on subit le même refrain… et les mêmes politiques : il faudrait réduire les dépenses publiques et donc supprimer des postes de fonctionnaires. Ce fut le cas de Sarkozy et de sa fameuse Révision générale des politiques publiques (RGPP) qui consistait à ne pas remplacer un départ à la retraite de fonctionnaire sur deux et qui a permis de supprimer 150 000 postes dans la fonction publique d’État dont 65 000 directement imputables à la RGPP, soit environ 3 % de l’effectif global. Puis ce fut le tour de la Modernisation de l’action publique (MAP) de Hollande et désormais c’est au tour de l’Action publique 2022 de Macron, toujours sur l’air bien connu de la « modernisation » et pour prétendument rendre la fonction publique « plus attractive et plus réactive ». De plus, le candidat Macron a été élu avec un objectif bien précis : celui de supprimer 120 000 fonctionnaires dont 70 000 dans la seule fonction publique territoriale et 50 000 dans la fonction publique d’État.
Un arsenal législatif pour mieux virer les fonctionnaires
Afin d’atteindre son objectif en termes de suppressions de postes de fonctionnaires, le gouvernement a fait voter, en plein mois d’août 2019, la loi dite de « transformation de la fonction publique », arsenal législatif pour se débarrasser d’un maximum de fonctionnaires par tous les moyens et plus seulement à travers les suppressions de postes des lois de finances. Désormais, tout comme dans le privé, les fonctionnaires auront le « droit » aux départs volontaires, aux ruptures conventionnelles et les embauches se feront désormais en priorité en CDD ou pire en contrat de projet pour une durée maximale de six ans pouvant être rompu à tout moment.
L’objectif du gouvernement et de ses sbires Darmanin et Dussopt est clair : c’est de passer à 20 % de contractuelLEs aujourd’hui à 40 % dans les prochaines années. Et cerise sur le gâteau : le détachement d’office en CDI, en cas de privatisation, du fonctionnaire dans l’entreprise ayant repris l’activité sera possible. Ce qui permettra la privatisation en bloc, avec son personnel, de services publics entiers. Avec cette loi, la volonté du gouvernement est claire : détruire la fonction publique en l’alignant sur le fonctionnement du privé. Et désormais l’objectif du candidat puis du président Macron de 120 000 suppressions de postes d’ici 2022 est atteignable avec cette loi.
Alors que ministères, collectivités locales, hôpitaux, établissements publics passent déjà en revue les missions pour les adapter aux suppressions de postes, il leur est désormais demandé de faire le tri parmi les emplois et les métiers pour identifier ceux pour lesquels le recrutement statutaire ne sera plus la règle, par un recours élargi au contrat, ou qui seront abandonnés. Les reconversions induites par ce double tri et par la numérisation feront l’objet d’un authentique plan social via des départs volontaires vers d’autres services ou vers le privé (voire Pôle emploi ?). L’État est prêt à débourser 1,5 milliard d’euros pour cet objectif au lieu d’investir dans les services publics et l’amélioration des conditions de travail ! Avec les économies faites le gouvernement promet une rémunération encore plus individualisée soumise au « mérite » et à l’atteinte des objectifs.
Les promesses n’engagent que ceux qui y croient
Face au mouvement des Gilets jaunes, Macron a dû faire des concessions pour retrouver une « paix sociale » y compris en matière de services publics, une des revendications centrales du mouvement des Gilets jaunes. C’est ainsi qu’il a annoncé qu’il n’y aura plus « d’ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d’hôpitaux, ni d’écoles sans l’accord du maire ». Mais cela ne veut dire ni l’arrêt des fermetures de classes ni des fermetures de services pour les hôpitaux. Ni même l’arrêt des fermetures de gares, des bureaux de poste ou des trésoreries. Et il a même reculé sur les suppressions de postes dans la fonction publique d’État qui ne seraient plus 50 000 mais de 15 000. Dans les faits, cela ne changera pas grand-chose dans de nombreuses administrations où les privatisations, les externalisations restent d’actualité. Et sans oublier que pour le gouvernement, la suppression de 70 000 postes dans les collectivités territoriales est toujours d’actualité.
Face à l’épidémie du Covid-19, Macron et son gouvernement ont, pendant presque quatre mois, transformé les soignantes et soignants en véritables héros qui devaient aller au « front » sans protections ni moyens. Mais désormais le moment est venu de tourner la page et, pour calmer les revendications, de mettre en place un « Ségur de la Santé ». Mais dans le fond rien ne changera : le plan « Ma santé 2022 » continuera à s’appliquer avec à la clef une privatisation rampante de l’hôpital public. Et même, le gouvernement vient de décider l’annulation de la baisse de 2,5 % des effectifs administratifs du ministère des Solidarités et de la Santé en 2021, ce qui correspond à plus de 300 postes alors que les soignantes et soignants revendiquent la création de 120 000 postes.
Un enjeu de société
La perspective de ce gouvernement va bien au-delà de la suppression annoncée de 120 000 emplois (dont 50 000 dans la fonction publique d’État) ou de la baisse des dépenses publiques, elle est de reconfigurer entièrement les services publics et les règles de l’emploi public. Ce qui est en jeu, c’est la vente à la découpe de la fonction publique comme cela s’est fait à France Télécom ou à La Poste et désormais à la SNCF avec la fermeture de lignes, la transformation en société privée, la mise en extinction progressive d’un statut considéré comme un frein à la rentabilité. Et avec les mêmes méthodes que celles qu’il a pu imposer dans le privé avec ses ordonnances.
Tous les secteurs de la fonction publique ne sont pas logés à la même enseigne que ceux de la santé, l’éducation, les finances publiques, la culture, la recherche ou les collectivités locales. La police, la défense ou encore la justice par exemple. Il y a donc bien évidemment une cohérence d’ensemble dans les projets destructeurs du gouvernement, qui ne sont pas uniquement motivés par des soucis d’économie, mais aussi par la mise en application d’une réelle vision du monde : une société dans laquelle le service public, le sens du collectif et les mécanismes de solidarité sont considérés comme des freins au développement de « l’ambition », de « l’esprit d’entreprise » et de la « responsabilité individuelle ». Face à cela nous devons défendre plus que jamais un projet de société alternatif fondé sur la solidarité et la satisfaction des besoins sociaux contre une société basée sur le profit, la satisfaction des intérêts des propriétaires des moyens de production et d’échange et des actionnaires. L’éducation, la santé ou le logement sont des droits qui doivent être totalement retirés du secteur privé marchand. Il faut étendre les services publics comme, par exemple, dans la petite enfance, l’aide aux personnes et développer de nouveaux services répondant aux besoins du plus grand nombre. Les réseaux vitaux (énergie, eau, communications, transports, voies de circulation, etc.) doivent être au service du plus grand nombre, développés, gérés, entretenus par l’État. Nous revendiquons la création d’un million d’emplois dans la fonction publique pour renforcer et développer les services publics afin de répondre aux besoins essentiels de la population. Et pour cela se battre ensemble, fonctionnaires ou salariés du privé, construire des mobilisations communes et convergentes.