Publiée juste après la sortie des enseignantEs, la première circulaire de rentrée du nouveau ministre ne représente aucune rupture avec Blanquer. Contractualisation des moyens, pilotage par l’évaluation, insertion poussée dans le monde de l’entreprise : loin de tout objectif d’émancipation, la feuille de route présidentielle d’une école libérale ségrégative continuera à s’appliquer.
Confirmée comme « objectif prioritaire », la maîtrise des « savoirs fondamentaux » reste la pierre angulaire de l’école primaire. Le français et les mathématiques sont désignées comme priorité continue et l’histoire, les sciences ou la géographie n’apparaissent nulle part.
Afin d’arriver à cet objectif, le ministère dispose des évaluations mises en place par Blanquer. Poursuivant cette logique de l’évaluation permanente, elles seront mises en place à titre expérimental en CM1. Il n’y a aucun doute sur le fait que cette expérimentation sera appelée à se généraliser : rappelons-nous que « l’expérimentation marseillaise » n’aura vécu que six mois avant que sa généralisation soit annoncée.
Car ces évaluations sont désignées comme des outils à disposition des rectorats et des directions académiques pour orienter leur action et construire accompagnement et formation.
Il faut mettre tout ceci en cohérence avec d’une part les contractualisations des moyens au travers de différents dispositifs (contrats locaux d’accompagnement, expérience marseillaise, cités éducatives) et d’autre part les évaluations d’école qui consistent à faire évaluer les apprentissages par l’ensemble de la communauté éducative. Si les moyens dépendent des évaluations, nous sommes dans une situation de pilotage par les résultats : les logiques d’entreprise mises en œuvre pour l’école.
Secondaire : vers la fin du collège unique ?
En ce qui concerne le secondaire, la logique évaluative est mise au service de la sélection. Si là aussi la question des fondamentaux, autour notamment du « plan mathématiques », apparaît comme un enjeu, c’est aussi la fin du collège unique qui se profile avec les évaluations au cœur du dispositif. Maintenues en sixième, elles sont mises en place à titre expérimental en quatrième. L’évaluation d’établissement, qui existait pour 20 % des établissements, se poursuit. Et, comme pour le primaire, c’est donc un pilotage par les résultats qui se construit avec, comme outil de gestion, l’autonomie des établissements.
Si on y ajoute les velléités sur la mise en place plus précoce de l’apprentissage mais aussi la tutelle du ministère du Travail sur la filière professionnelle, tous les voyants de la destruction du collège unique sont au rouge.
Et pour couronner cette logique, l’insertion du monde de l’entreprise dans les collèges devient prégnante avec l’objectif d’une demi-journée hebdomadaire d’intervention dès la cinquième.
L’objectif se poursuit : une école au service du capital
Plus personne ne peut dire qu’il ne savait pas : le nouveau ministre continuera la politique de Blanquer et c’est la feuille de route présidentielle qui s’appliquera. Et cette dernière est profondément structurelle, au service d’une école de classe.
La contractualisation des moyens humains comme financiers autour de « projets innovants » ou des résultats aux évaluations, c’est la mise en concurrence des établissements et des personnels. Dans des conditions d’exercice dégradées, la recherche de moyens supplémentaires est malheureusement une motivation pour des personnels qui souffrent de ne pas pouvoir exercer correctement leurs missions premières.
Mais cette contractualisation est mise au service de l’évaluation permanente. Cela va assujettir les pratiques et résistances enseignantes. Soumis aux pressions des résultats, dont dépendront les moyens, les enseignantes et enseignants risquent de n’avoir plus comme ambition que la réussite aux évaluations et de pratiquer un « teach to test » qui éloigne de toute culture scolaire et citoyenne commune. Celles et ceux qui refusent de s’y soumettre seront sous la pression du groupe.
Le résultat : des classes d’âges entières qui acquièrent des compétences préétablies, loin de toute construction d’esprit critique, des élèves qui sont sélectionnés et dirigés dès le collège dans des voies spécifiques valorisables dans le monde de l’entreprise futur…
À ce petit jeu, ce sont les enfants des classes dominantes et/ou conniventes avec les attendus scolaires qui tireront leur épingle du jeu : ils et elles seront les seulEs à construire les savoirs autres.
Il n’y a aucune fatalité. Si la question salariale est bien sûr sur toutes les lèvres, la question du sens des métiers et de l’école ne peut être évacuée.
L’idée d’un toutes et tous ensemble pour exiger une école de l’émancipation au service des élèves et les moyens nécessaires en recrutement comme en salaire pour y parvenir doit faire son chemin : il y a urgence.