Publié le Jeudi 11 décembre 2014 à 11h30.

Éducation prioritaire : les réseaux de la colère

Un peu partout en France, depuis la mi-novembre, dans les banlieues de grandes villes ou des zones rurales, les personnels de collèges et d’écoles et les parents d’élèves sont mobilisés pour protester contre la refonte de la carte de l’éducation prioritaire.

L’éducation prioritaire, c’était, selon les dires du gouvernement, une des grandes priorités du ministère de l’Éducation nationale. Le fait que la colère éclate là où celui-ci prétend « faire le plus d’efforts » pour compenser les inégalités sociales, en dit long sur la réalité de sa politique.

« REP+ = Rien En Plus »Car, pour un établissement scolaire, être classé en réseau d’éducation prioritaire, quel que soit le nom de celui-ci, c’est ­bénéficier théoriquement de plus de moyens, essentiellement de classes moins chargées. Or non seulement, avec la refonte de la carte, de nombreux collèges et écoles, parmi ceux qui en ont le plus besoin, sortent de ces dispo­sitifs, mais, de plus, des établissements qui sont censés être la vitrine de l’éducation prioritaire, les REP+ ne disposent pas des moyens nécessaires pour traiter réellement les difficultés scolaires des élèves. Au point que les enseignants de ces établissements ont trouvé une nouvelle signification de leur sigle : « REP+ = Rien En Plus »...Pour les enseignantEs et les parents mobilisés, il ne s’agit donc pas seulement de réclamer, les uns un maintien en réseau d’éducation prioritaire, les autres le fait de pouvoir y entrer, mais bien, à travers ces revendications, de se battre pour de meilleures conditions de travail pour le personnel et d’étude pour les élèves. Et d’affirmer, haut et fort, qu’ils ne sont pas dupes des annonces publicitaires sur l’éducation prioritaire, bien conscients au contraire du cynisme du gouvernement.Tout le monde sait en effet ce qu’il est advenu des 60 000 postes qui devaient être créés en cinq ans selon le candidat Hollande. À mi-mandat, le gouvernement reconnaît lui-même n’en avoir créé que 3 856 dans l’enseignement public, 2 906 dans le primaire et 950 en collège et en lycée.

Les enseignantEs ont pris leur mobilisation en mainSi cette mobilisation réussit à faire tache d’huile, avec entre autres, une journée de grève prévue dans plusieurs académies le mardi 9 décembre, ou dans d’autres le jeudi 17 décembre, jour où devrait être arrêtée la carte de l’éducation prioritaire par les instances officielles, c’est que les enseignantEs qui se sentent concernés ont su prendre leur mobilisation en main : dans certains établissements, ils ont voté la grève reconductible pour pouvoir mieux s’organiser, se donner les moyens de faire l’opinion, de contacter les parents et de les associer à leur mouvement, de commencer à mettre en place des formes de coordination, à l’échelle d’une ville ou d’un département, d’exercer leur pression sur leurs syndicats. Significatif de cette auto-­organisation est le fait que bien souvent sont rajoutées diverses revendications par les grévistes, dont celles concernant les salariéEs en statut précaire.Sans doute, les enseignantEs se sentent-ils le plus en légitimité de se mobiliser là où les conditions de travail sont les plus éprouvantes, là où les élèves sont le plus en difficultés, généralement dans les zones les plus pauvres. Mais la réforme de l’éducation prioritaire, telle qu’elle est annoncée par le gouvernement, est révélatrice de sa volonté de s’attaquer à toute l’Éducation nationale, aussi bien pour en réduire le budget que pour casser le statut des enseignants afin de les rendre plus malléables et corvéables.

Défendre le service public d’éducationCette réforme est dite avant tout « pédagogique » : une façon de dire, dans la langue de bois des ministères, qu’il ne doit pas y être question de « moyens », de postes supplémentaires, de nombre d’élèves maximum par classe comme c’était le cas dans les anciennes ZEP. Une façon aussi d’ajouter aux enseignantEs d’autres tâches que celles de l’enseignement de leur discipline, préfigurant sans doute l’allongement de leur temps de travail.C’est aussi pour cette raison que le gouvernement ne voudra pas lâcher facilement face à la mobilisation. Car ce serait ouvrir une brèche dans toute sa politique scolaire et risquer de remettre en cause l’offensive qu’il compte mener contre tout le service public de l’éducation.Alors oui, soyons tous solidaires des enseignants et parents en lutte. Agissons pour soutenir, développer et étendre les grèves. À bas les réformes du gouvernement qui remettent en cause le service public de l’éducation !

Galia Trépère