La réforme du lycée mise en place sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a été une véritable débandade : calquée sur le modèle des validations à sciences-po, elle a eu pour objectif de promouvoir la spécialisation et les compétences orales sur les savoirs disciplinaires.
En conséquence, elle a défait les solidarités organisées en vue de l’apprentissage et matérialisées par des classes fixes, des rituels de passage comme les conseils de classe, déstabilisant la solidité des enseignements disciplinaires pour atomiser davantage les parcours et les individualiser.
Ces projets de transformation du lycée professionnel ne sont pas encore aboutis : ils poursuivent des ambitions de destruction du système d’une éducation qui apporte une véritable instruction, et non une simple liste de compétences à mettre au service du patronat. La réforme du lycée professionnel c’est :
- prévoir d’augmenter de 50 % le temps passé en entreprise, ou la transformation des lycées professionnels en CFA (Centre de Formation en Alternance).
- adapter les formations « aux bassins d’emploi » : la formation des jeunes sera donc une intégration par l’école aux entreprises, soumettant les compétences des élèves aux entreprises vers lesquelles ils sont destinés – sans leur apporter l’autonomie qui leur permettrait d’envisager de s’employer ailleurs qu’auprès des entreprises locales.
- remplacer les professeurs par des « professeurs associés » c’est-à-dire des professionnels qui n’ont ni formation pédagogique ni formation disciplinaire : c’est donc placer n’importe quel employé devant des élèves, au mépris de la considération des compétences nécessaires à l’enseignement.
- pressurer les enseignants des lycées professionnels, qui devraient sans cesse être plus flexibles pour envisager des « rattrapages » afin de s’adapter aux contraintes de l’alternance, et voir dès lors leurs contenus d’enseignement et leurs conditions de travail massivement dégradés.
Refusé unanimement par la profession
Le « dialogue social » vanté par le gouvernement Macron n’existe pas dans l’éducation nationale : la réforme Blanquer a été mise en place avec une consultation très minimale des corps intermédiaires, et même de l’inspection de l’Éducation Nationale. C’est donc un véritable coup de force, dont personne n’est dupe.
Les mobilisations contre la réforme du bac ont été massives, et les aménagements demandés et consentis au cours des premières années d’application de la réforme Blanquer le soulignent : la réforme est un désastre une fois appliquée, et le personnel ne peut que demander à mettre en place des palliatifs pour tenter de travailler efficacement.
Ces palliatifs, cette année, sont entièrement retirés : si la réforme semble s’installer, c’est toujours avec le même constat. Elle est illisible et vaine pour les élèves, et contribue encore à rendre plus difficile l’acquisition des savoirs fondamentaux pour les élèves, qu’elle secondarise par rapport à l’entrée dans le supérieur et devant le couperet de Parcoursup.
Si la nomination de Pap N’Diaye a permis de débarrasser l’Éducation Nationale d’une figure qu’elle honnissait, la politique qu’il applique demeure la même et la démarche en est d’autant plus retorse.
La méthode Macron : précariser les travailleurs...
L’État se trouve confronté à une situation difficile pour appliquer sa réforme de l’éducation : concrètement transformer l’école, c’est demander au personnel de l’Éducation Nationale de mettre en place les directives du ministère. Les résistances doivent donc être matées pour que les ordres d’en haut s’appliquent.
Pour briser les résistances, le premier levier est la répression antisyndicale. Le cas de Kai Terada, qui a particulièrement été relayé et soutenu par les réseaux militants, n’est pas une exception : la « mutation dans l’intérêt du service », en n’étant pas identifiée comme sanction disciplinaire, est le couperet qui vient sanctionner sans sommation les collègues engagés. L’effet n’est pas seulement pour les personnels concernés de voir leurs conditions de vie dégradées (en étant affectés sur des postes lointains, transformant leurs trajets quotidiens et leurs environnements professionnels dans lesquels ils s’étaient investis), mais aussi de décourager leurs collègues les plus proches et de dissuader en général de s’engager.
Le deuxième est de rendre instable notre statut pour nous amener à faire preuve de docilité afin de conserver nos acquis. Ainsi, le rectorat affiche une politique de « fidélisation » des contractuels recrutés à la va-vite et décrédibilise ainsi les concours qui assurent la stabilité du statut des fonctionnaires, au détriment éhonté des TZR (titulaires en zone de remplacement), qui reçoivent leurs affectations en dernier et sont fréquemment employés comme de véritables fusibles corvéables à merci.
Le troisième est de renforcer le pouvoir des hiérarchies locales, et plus particulièrement des personnels de direction dans les établissements afin de rendre plus difficile l’expression des positionnements des enseignants, voire de leur engagement : plus le pouvoir du supérieur immédiatement au-dessus du collègue est important, moins il a une autonomie et plus il devra craindre les sanctions.
Saper les solidarités
Pour que les personnels consentent à cet exercice de la force, il faut que la force apparaisse comme étant le seul recours pour leur propre sauvegarde : cette méthode hobbesienne caractérise immanquablement l’accumulation de mesures visant à faire croître l’inquiétude des milieux enseignants quant à l’islamisme politique.
Alors que nous commémorons les deux ans de l’assassinat de Samuel Paty, les dernières semaines ont été le lieu d’une débauche d’informations sur les « atteintes à la laïcité » que subiraient les établissements publics : pour faire accepter aux personnels les politiques autoritaires du ministère les concernant, il faut que le ministère apparaisse comme la force qui permet aux personnels de se protéger d’un public représenté comme leur étant toujours plus hostile.
Les atteintes à la laïcité sont en réalité instrumentalisées, en toute indignité quant à la mémoire de Samuel Paty :
- de nouvelles infractions sont créées, comme l’affirmait encore le « sage » du conseil de la laïcité nommé par l’islamophobe notoire Blanquer : alors que des tenues étaient jugées « culturelles » et non « cultuelles », elles sont désormais considérées comme des signes ostentatoires et donc des atteintes à la laïcité. Les sages de la laïcité condamnent les « atermoiements » sur la radio publique du législateur quant à la répression de l’expression religieuse, et regrettent le temps des « hussards noirs de la république » - expression qui renvoie à une installation de la république libérale opposée au monarchisme conservateur catholique et place les élèves dans un fantasme historique qui n’est pas le leur. Mécaniquement, ces nouvelles infractions entraînent de nouveaux signalements, souvent au prix d’une incompréhension croissante chez des élèves qui se crispent, et donc d’une situation qui se tend.
- des accusations invérifiables se multiplient : on appelle les personnels à une « vigilance » accrue devant des tentatives de porter le voile grâce à des « sweat à capuche », et on affirme que les influenceurs des réseaux sociaux suivis par les adolescents renvoient à des « associations islamistes » qui ne sont jamais identifiées.
- les personnels enseignants sont laissés à des prérogatives individuelles, dont on souligne qu’elles seraient « sensibles » et que « certains peuvent être plus à l’aise que d’autres pour oser les mener », en l’absence de véritable mise en œuvre d’un dialogue qui s’attache aux réalités du terrain.
Contre l’instrumentalisation de l’éducation à des fins discriminatoires !
Contre la destruction des services publics et de l’Education Nationale !
Contre la précarisation des enseignantEs !
Contre une vision adversative et individualiste de l’éducation !
Mobilisons-nous par la grève et au-delà !