Publié le Jeudi 17 septembre 2020 à 10h53.

Le jour d’après dans l’éducation

Le gouvernement a la mémoire courte mais les idées longues. Comme dans la santé ou le commerce, les personnels de l’éducation, héros d’un jour, ont retrouvé leur statut de sacrifiés. Ils se préparent à essuyer les plâtres d’une rentrée scolaire sous le signe de l’austérité et du rouleau compresseur libéral.

 

Au cœur de la crise sanitaire, la fermeture des établissements scolaires a révélé aux yeux du plus grand nombre des réalités : enseigner est un métier ; les profs ne sont pas des fainéants ; en France, sixième puissance mondiale, les inégalités sont telles que certains enfants ne peuvent plus manger à leur faim lorsque les cantines scolaires ne fonctionnent pas…

Le 11 mai, la réouverture des écoles à marche forcée a mis en lumière ce que les personnels de l’éducation dénonçaient depuis longtemps déjà : un manque de moyens criant pour l’éducation. 35 élèves par classe, aucun équipement informatique pour les élèves, les établissements ou les enseignants…

Mais à peine cinq mois après, les mémoires des capitalistes sont déjà effacées. Ils ne voient dans cette crise sanitaire qu’une nouvelle opportunité pour augmenter leurs profits. La récession économique va servir de justification aux licenciements, baisse des salaires, gel du point d’indice des fonctionnaires, plans d’austérité dans les services publics, augmentation du temps de travail… bien éloigné des premières leçons qui s’étaient imposées au cœur de la crise sanitaire ! Le gouvernement espère que le Covid aura éteint la colère sociale et les foyers de contestation après des mois de conflictualité sociale qu’il ne parvenait pas à étouffer entre la grève contre la réforme des retraites qui faisait suite au mouvement des Gilets jaunes. Il mise sans doute sur l’atonie des directions syndicales pour reprendre l’offensive.

 

Une rentrée sans moyens et sans protocole sanitaire : vers une catastrophe annoncée ? 

En cette fin d’été, alors que les voyants sont au rouge sur la reprise de l’épidémie, Blanquer et le gouvernement ont fait adopter un protocole sanitaire dit « allégé » pour la rentrée scolaire de septembre : port du masque obligatoire seulement pour les élèves de plus de 11 ans lorsque la distanciation physique ne peut pas être respectée, un seul nettoyage par jour des locaux et des sanitaires… La formule inscrite dans le nouveau protocole sanitaire résume en elle-même l’état d’esprit du gouvernement : « La distanciation physique n’est plus obligatoire lorsqu’elle n’est pas matériellement possible ou qu’elle ne permet pas d’accueillir la totalité des élèves ».

Depuis le 11 mai, date de réouverture des écoles, le gouvernement a eu quatre mois pour prendre des mesures pour pouvoir assurer l’enseignement scolaire en temps de pandémie. Mais, pour prendre des mesures sérieuses, il faut mettre de l’argent sur la table. En Italie, le gouvernement prévoit le recrutement de 84 000 enseignants supplémentaires pour pouvoir alléger les groupes classes et maintenir une distanciation physique. 

Voilà, la réalité à laquelle se refusent Blanquer et Macron. Créer des postes !

C’est autour de cette revendication que devrait s’organiser la rentrée militante dans l’éducation à l’échelle européenne ! Le SNUipp chiffre à 99 000 le manque d’enseignants rien que dans le premier degré. 

Toute autre solution pourrait s’avérer désastreuse. 

Les mensonges sur la non-contamination des enfants ou sur leur charge virale réduite ne tiennent plus. Aux USA, 97 000 enfants ont été testés positifs au Covid-19. L’exemple du lycée de North Paulding, en Géorgie, qui a rouvert trop vite et a dû refermer ses portes après trois jours de classe et quatre-vingt-dix cas de contamination, laisse entrevoir les conséquences possibles d’une rentrée sans protocole sanitaire.

En cas de reprise de l’épidémie, le gouvernement cherchera sans doute des raccourcis pour contourner cette exigence d’embauche de personnels supplémentaires. Il cherchera à refermer ponctuellement des établissements ou alors il transférera une partie des enseignements en distanciel. Ces solutions expérimentées pendant le confinement ont contribué largement à l’augmentation des inégalités scolaires. 

Même si le protocole sanitaire « allégé » fait l’objet de critiques timides de la part des directions syndicales de l’éducation, nous sommes encore loin d’une attitude qui permettrait d’affronter cette rentrée de manière offensive. 

Comme dans d’autres secteurs, la seule perspective de mobilisation pour pouvoir porter ces revendications sera la date de grève annoncée pour le 17 septembre. Dès maintenant il faut construire cette grève en portant l’exigence de créations de postes, d’embauches de personnels enseignants et non enseignants pour alléger le nombre d’élèves par classe. Il faut porter également les exigences élémentaires de tests de l’ensemble des personnels et des élèves avant la réouverture effective des établissements. (Et la distribution de masques gratuits pour les élèves et les personnels). 

 

Quid de la revalorisation des salaires ?

Qui parvient à suivre le feuilleton de la revalorisation des salaires des enseignants français ? Personne ! Entre annonces tonitruantes, mensonges, revirement… seules les fiches de paie, amputées des jours de grève du mouvement contre la réforme des retraites, nous ramènent à la réalité des prix. 

Épinglé à plusieurs reprises comme faisant partie des pays de l’OCDE dont les salaires des enseignants sont les plus faibles, le gouvernement a multiplié les annonces pour tenter de faire passer sa réforme des retraites et éviter une généralisation de la grève dans l’éducation nationale.

En août 2019, Blanquer promettait une augmentation de 300 euros en 2020. En janvier, au cœur du conflit contre la réforme des retraites, le gouvernement annonçait la volonté de consacrer 500 millions d’euros à la hausse des salaires des enseignants dès 2021. 

La vérité des prix de toutes ces annonces tonitruantes est une nouvelle annonce le 24 juillet dernier d’un nouveau gel du point d’indice des fonctionnaires. 

Espérant noyer le poisson, Blanquer brandit sa panoplie de primes en tout genre dont personne ne voit jamais la couleur : prime Covid, prime informatique…

Les seuls qui sont sûrs de toucher quelque chose ce sont les directeurs d’académie et leurs adjoints, les recteurs, secrétaires généraux, directeurs du ministère et chefs de service. Le haut encadrement de l’Éducation nationale bénéficie d’une hausse de la nouvelle bonification indiciaire qui peut aller jusqu’à 2000 points d’indice. Cette bonification, elle, est bien parue au Journal officiel. 

 

La répression comme seule réponse au niveau de conflictualité élevée dans le secteur 

Les personnels de l’éducation ont relevé la tête face aux conditions de travail détériorées, au manque de moyens et aux réformes libérales qui s’appliquent. Le niveau de conflictualité sociale est à un niveau élevé dans ce secteur. Lors de la mobilisation contre la réforme des retraites, l’Éducation nationale a été le troisième secteur le plus mobilisé après la RATP et la SNCF. Cette grève faisait suite à une mobilisation historique dans ce secteur, la grève du baccalauréat pour protester contre la réforme du bac. Cette bataille n’est pas terminée. Elle s’est d’ailleurs poursuivie avec le blocage des épreuves anticipées du nouveau bac Blanquer (E3C). Ces actions ont été menées de manière conjointe par les enseignants et par les lycéens, dans plusieurs établissements, elles ont permis de mettre en échec le passage de ces épreuves.

Même en temps de Covid, la hiérarchie n’a pas perdu le sens de ses priorités. La répression a continué de s’abattre sur celles et ceux qui tentent de résister. 

Les trois enseignants de Melle font figure de proue de cette nouvelle politique répressive. Ils ont été suspendus de leurs fonctions pour quatre mois et sans aucune justification, la rectrice a prolongé de quatre mois supplémentaires cette suspension. Huit mois de suspension de fonction pour simple action de contestation syndicale. De nombreux enseignants se sont solidarisés du combat des trois enseignants de Melle de sorte qu’au cœur même de l’été un rassemblement de près de 200 personnes s’est déroulé devant le rectorat de Poitiers.