Si cette rentrée est marquée par la question des retraites et les attaques contre les immigrés, le gouvernement n’a pas oublié de poursuivre son œuvre de remise en cause du service public d’Éducation. Comme chaque année depuis l’arrivée de Sarkozy, les suppressions de postes tombent : il en est prévu, pour le prochain budget, 16 000, dont 9 000 dans les écoles primaires. Le privé qui recrute 20 % des élèves ne subit que 10 % des suppressions. Un rapport récent de l’Inspection générale, peu suspecte de sympathie pour les syndicalistes, montre que les dégâts faits par cette politique sur le système éducatif sont sensibles. D’ailleurs, dans plusieurs matières, il n’y a plus de professeurs remplaçants pour pallier les absences. La nouveauté de la rentrée c’est que les jeunes enseignants sont dorénavant mis devant leurs élèves sans aucune formation éducative. Auparavant, le professeur débutant bénéficiait d’une année de stage payée avec la prise en charge d’un demi-service de classe et l’accompagnement d’un tuteur ou d’une tutrice. Ce n’était pas l’idéal, mais cela permettait de s’habituer au métier progressivement. Maintenant, le nouveau prof doit se lancer tout de suite avec un service presque complet. L’Éducation nationale ne fournit comme aide que des films sur internet pour la « gestion de crise » de la classe... Cela coûte moins cher évidemment qu’une véritable formation. La catastrophe est double, pour les jeunes enseignants qui risquent d’être en difficulté et pour les élèves. Mais le ministère s’en moque, « rigueur » oblige. Il vient d’ailleurs d’annoncer que le nombre de candidats au concours des professeurs du premier degré passerait l’année prochaine à 3 000, contre 7 000 l’année dernière. Comme si cela ne suffisait pas, le « livret de compétences » arrive dans les salles de profs. Il s’agit d’une liste de plusieurs dizaines de réponses (« oui » ou « non », ce qui est assez réducteur) que l’enseignant doit formuler sur chaque élève au collège. En dehors de la surcharge de travail, non négligeable, ce livret pose plusieurs problèmes graves. D’une part, les « compétences » sont le plus souvent liées aux besoins immédiats de l’économie et non pas à une véritable formation. D’autre part, l’analyse fournie est peu compréhensible par les parents qui n’ont pas l’habitude du système scolaire. On peut se demander si cette manière de porter un jugement sur les élèves ne préfigure pas la fin des examens, certes imparfaits, mais qui délivrent des diplômes nationaux. Sans ces examens, les inégalités du système seraient encore bien plus grandes, toujours au détriment des classes populaires. Dans de nombreux établissements, les professeurs refusent de remplir ces livrets de compétences, avec le soutien des organisations syndicales. Le milieu enseignant ne reste pas inactif face à cette avalanche de nouvelles attaques auxquelles il faut ajouter les effets de la réforme des lycées en seconde et le rapport récent proposant la fin du collège unique et prévoyant qu’un prof devrait enseigner deux matières à la fois et passer plus d’heures sur son lieu de travail. Dès la rentrée, le 6 septembre, un appel à la grève proposé par le Snes et relayé par SUD Éducation, obtenait un certain succès. Pour les trois journées de défense des retraites, les cortèges enseignants, notamment ceux de la FSU, étaient massifs. Aujourd’hui, le service public d’Éducation se trouve encore attaqué. La mobilisation des enseignants, parents, élèves pour le défendre est plus que jamais à l’ordre du jour. Robert Noirel