Publié le Lundi 21 décembre 2009 à 16h19.

Lycéens : « Chatel, si tu savais... »

La lutte que mènent les lycéens a trois objectifs principaux : le retrait de la réforme Chatel du lycée, l’arrêt des suppressions de postes et le retrait des mesures sécuritaires (flics dans les lycées, portiques de sécurités à l’entrée, etc.). Entretien avec Jules Lavalou, lycéen à Rennes. En quoi la réforme des lycées pose-t-elle problème ?La réforme du lycée pose plusieurs problèmes. Il n’y a pas un seul point qui la rend mauvaise, elle n’est pas « bonne, mais inapplicable » comme certains syndicats (CFDT, Unsa, UNL…) semblent le dire. C’est bien un choix idéologique que fait le gouvernement en présentant ce projet. Nous luttons sur plusieurs axes. Il y a d’abord l’individualisation des parcours pour laquelle le gouvernement veut mettre en place deux heures d’accompagnement personnalisé pour tous. Le problème c’est que ces heures d’accompagnement pourront se traduire par de l’approfondissement pour les meilleurs et par du soutien pour les moins bons. On pourrait même discuter d’orientation pendant ces heures, si on estime qu’on ne peut plus rien pour nous… Ainsi, Chatel entérine les inégalités entre les élèves plutôt que de chercher à les réduire, et il accentue les inégalités sociales, car les élèves issus de milieux aisés prendront des cours de soutien pour accéder aux modules d’approfondissement. L’utilisation de ces heures dépendra du lycée, c’est-à-dire que la concurrence entre lycées d’élite et lycées poubelles sera renforcée. Certains établissements prépareront donc juste au niveau bac et d’autres prépareront leurs élèves aux classes prépas, et aux filières « d’élite ».Avec la mise en place d’un livret de compétences, le gouvernement casse également la valeur nationale du diplôme. Désormais on n’aura plus LE bac mais un bac et on devra décrire les enseignements qu’on a choisis, ce qu’on a fait au lycée, etc. Par exemple, si on a suivi plein de stages (non payés) ou des modules d’approfondissement et de préparation au supérieur, on aura plus de chances d’être accepté dans une filière sélective. On aura un meilleur livret que celui qui aura bloqué son lycée ! Nous luttons également contre la spécialisation de nos diplômes.Désormais en première, il y aura un tronc commun, avec des enseignements de spécialités. La suppression de l’histoire-géo en terminale S, des maths dès la première L, la division de la spécialité SES entre économie et social, toutes ces mesures contribuent à nous faire faire des choix plus tôt. Dès 15 ans il faudra choisir son avenir. Les diplômes seront moins généralistes, ils offriront donc moins de possibilités de poursuivre ses études. Le ministre le dit lui-même : pourquoi former des lycéens aux sciences pour qu’ils aillent le « gâcher » en faisant de la socio ? Cette réforme renforce également la sélection. Le gouvernement veut permettre des réorientations en cours d’années, mais celles-ci ne pourront aller que dans un sens : du général vers le technologique, du technologique vers le professionnel… Au mieux on pourra se faire réorienter en filière L, mais jamais personne ne sera réorienté en S puisque les maths ne seront pas dans le tronc commun de première… Le gouvernement veut faire croire que des sas de remises à niveau suffiront pour rattraper tout un programme : on sait déjà que cela sera impossible.Comment se construit la mobilisation sur Rennes et nationalement ? À Rennes, la mobilisation a commencé le 17 novembre avec plus de 1 000 lycéens dans la rue. Le 24 novembre avec les profs, nous étions 2 000 en manif. Puis le 3, nous étions à nouveau autour de 1 000, le 10 entre 300 et 400, à cause de l’isolement qui commençait à venir. Cette question se règle et on espère avoir une bonne mobilisation le 15, même si les délais sont courts ! La mobilisation commence également à prendre de l’ampleur nationalement. On était plus de 8 000 partout en France en manif le 10 décembre. On est sur la pente ascendante. Par exemple, il y avait 2 000 lycéens à Bayonne, 800 au Mans, 1 500 à Lille, 500 à Nancy, 400 à Toulouse et 1 500 à Paris... Les lycéens ont-ils des liens avec les enseignants ?Nous avons quelques liens avec les profs. Mais c’est vrai que c’est assez dur, les rythmes de mobilisation sont un peu différents et la mobilisation prend moins vite. On essaye bien sûr de faire bouger les profs. Des signes intéressants commencent à apparaître de la part du Snes, reste à savoir s’ils vont faire le boulot pour mettre les profs en grève avec nous… Ils ont besoin de nous comme force d’entraînement, mais nous avons besoin d’eux, d’abord pour être plus forts et plus nombreux, mais aussi pour contrer la répression. À Courbevoie (Hauts-de-Seine), la semaine dernière, des militants ont été convoqués par le proviseur. À Levallois (Hauts-de-Seine), au début du mouvement, la police est intervenue avec de la lacrymo pour lever le blocage. À Reims (Marne), quatre militants ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis à la suite d’un rassemblement contre la venue de Fillon, Chatel et Pécresse ! Un lycéen de Mulhouse (Haut-Rhin) va également passer en procès... Quand les lycéens sont isolés, les flics et les administrations se croient tout permis. D’ailleurs, une de nos revendications est le droit de grève et de manifestation pour les lycéens. Chatel veut que nous prenions « plus de responsabilités », qu’il commence par ça ! Comment penses-tu que la mobilisation va se poursuivre à la rentrée de janvier ?Il est vrai qu’il est toujours dur de passer les vacances de Noël. Néanmoins, la mobilisation n’en est qu’à son début et elle est toujours en phase ascendante. Nous pensons que nous arriverons à garder la dynamique pour la rentrée. Nous prévoyons une première date de mobilisation le 14 janvier, afin de redémarrer tous en même temps. Et on espère arriver à contrer le gouvernement ! Propos receuillis par Dominique Angelini