On aurait aimé qu’après – notamment – la tragédie du Bataclan, la détestable métaphore selon laquelle les grévistes prendraient les usagerEs « en otage » soit définitivement reléguée aux oubliettes. Mais, lors de la mobilisation à la SNCF l’an dernier, on s’est malheureusement rendu compte que tel n’était pas le cas, la grève des cheminotEs étant à plusieurs reprises qualifiée, par des éditorialistes ou des responsables politiques sans scrupule, de « prise d’otages ».
Rebelote lors de la récente grève des examens. Et c’est Macron lui-même qui, le 7 juillet, a cru bon de dresser un parallèle entre terrorisme et mouvement social : « Je respecte chacune et chacun, la liberté d’opinion et la liberté syndicale mais, à la fin des fins, on ne peut pas prendre nos enfants et leurs familles en otage. » Comprendre : « à la fin des fins », l’action revendicative, lorsqu’elle devient vraiment gênante, est assimilable à du terrorisme.
Au-delà de l’outrance, insultante pour les grévistes et pour celles et ceux qui ont réellement connu des situations de « prise d’otages », cette déclaration est un nouvel exemple du rapport que le pouvoir entretient avec la contestation sociale. Le traitement des Gilets jaunes avait été à ce titre symptomatique, avec le recours à une répression inédite mais aussi les tentatives de délégitimation par l’injure, de la « foule haineuse » aux « factieux » en passant par les accusations lors de la prétendue « attaque » de la Pitié-Salpêtrière.
Cette énième sortie insultante a été immédiatement critiquée par les enseignantEs, ce qui n’a pas empêché Blanquer d’afficher son soutien à Macron, en justifiant le parallèle entre grève des examens et « prise d’otage », avec une formule qui pourrait presque faire sourire tant elle semble qualifier l’attitude du gouvernement : « Dans cette affaire, on voit bien qu’une petite minorité a cherché à imposer sa loi à la majorité. »
Mais l’on n’a guère envie de sourire. Ce pouvoir, qui se place soudainement du côté de « nos enfants », croit-il que nous avons oublié les gardes à vue des lycéenEs d’Arago en mai 2018 ou les scènes d’humiliation de Mantes-la-Jolie en décembre de la même année ? Et croit-il en outre que les lamentables amalgames vont invisibiliser les conséquences désastreuses de sa politique ? La réponse est non, et Macron et les siens se rendront compte que les injures et la répression ne dissuaderont pas les salariéEs de lutter, avec les modalités d’action qu’ils et elles choisiront.
Julien Salingue