Publié le Mercredi 30 mai 2018 à 11h12.

Parcoursup : la violence symbolique du gouvernement

Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, l’avait promis dès son entrée en fonction : il allait changer le système d’admission à l’université (le site APB). Trop de lycéenEs étaient mal orientés, et ne continuaient pas leurs études universitaires dans la voie qu’ils avaient choisie au départ. Même si l’INSEE constatait que 80% des étudiantEs sortaient avec un diplôme, même si on a le droit à l’erreur lorsqu’on est jeune… Peu importe : Blanquer est plus têtu que les faits.

Le ministère a pondu un nouvel algorithme : Parcoursup. Fini le tirage au sort (introduit par le précédent gouvernement, qui concernait 0,62 % des élèves) ; fini le classement des vœux de poursuite d’études. Il suffisait d’un CV et d’une lettre de motivation et chaque lycéenE aurait sa chance. Ainsi, toutes les filières sont devenues sélectives, et pas seulement les BTS, IUT et classes préparatoires. Parcoursup s’est mis en place en même temps que la loi ORE et répond à la même logique de sélection et d’orientation des jeunes les plus en difficulté scolaire (et souvent sociale) vers des études courtes ou des voies de garage.

Une (mauvaise) blague

Bien sûr, il était facile de voir que cette « égalité des chances » allait défavoriser les élèves issus des quartiers populaires. Impossible de traiter correctement plusieurs dizaines de milliers de dossiers d’étudiantEs. Alors les universités ont eu recours à des algorithmes locaux, qui trient en fonction des notes et des lycées. Les lettres de motivations n’ont pas été lues ; les CV n’ont pas été ouverts. 

La mobilisation des étudiantEs et des enseignantEs d’université aurait dû alerter le gouvernement, de même que les tribunes et les pétitions. Mais il n’est pas plus obstiné qu’un Blanquer ou qu’une Vidal ! Face au manque de places, il faudrait créer des universités ; face au désarroi des nouveaux étudiantEs, il faudrait avoir plus d’enseignantEs, qui auraient le temps de réfléchir à des pédagogies adaptées tout en continuant leurs recherches, pour assurer un fort niveau de qualification… Mais le gouvernement a choisi la route opposée.

Mise en place de la sélection des pauvres

Le couperet est tombé le mardi 22 mai. Les résultats de Parcoursup correspondent à nos prévisions : les meilleurs élèves ont été acceptés partout et les autres ont été refusés ou, au mieux, sont en attente que les meilleurs aient fait leur choix d’études. Un récent sondage du SNES établit que 53,6 % des élèves de l’académie de Créteil sont dans ce cas. Mais ces proportions touchent d’abord les lycées les plus populaires. Il sont 95 % dans ce cas au lycée Bécquerel à Nangis (77) ou encore 80 % des STMG au lycée Olympe-de-Gouges à Noisy-le-Sec (93) et cela monte jusqu’à 100 % des élèves de STMG au lycée Mistral de Fresnes (94).

Les filières technologiques sont les plus touchées par ce phénomène. Dans l’académie de Créteil, on compte 64,3 % des élèves de STMG, 73,9 % en STI2D et 66,4 % en STL qui sont refusés ou en attente. Mais les filières générales des quartiers populaires ne sont pas en reste, avec 53,7 % en ES ; 49,3 % en S et 41,1 % en L. La voie professionnelle n’apparaît pas dans ce sondage, mais force est de constater qu’elle est aussi grandement touchée.

À bas la violence de Macron !

Et c’est là qu’apparaît clairement la politique du gouvernement : empêcher par tous les moyens à sa disposition (violence symbolique via Parcoursup ; violence physique dans les manifs) que les jeunes des quartiers populaires aient accès aux études supérieures. C’est-à-dire rompre avec le consensus sur l’élévation du niveau de qualifications et de diplômes pour toute la population en France.

Alors, le gouvernement expliquera que le lycée actuel n’est pas adapté à Parcoursup et il justifiera sa réforme en cours. Mais sans rien changer au fond. Au lieu de sélectionner les élèves en fin de terminale, il souhaite introduire cette sélection dès le début de la seconde (à 14 ans !), tout en diminuant le temps d’enseignement.

Les jeunes et les enseignantEs ont totalement raison de se mobiliser et de se mettre en grève dès aujourd’hui pour lutter contre la sélection, contre ce monde qui fait la part belle aux puissants et aux riches et qui accable encore plus les salariéEs, les chômeurEs et leurs enfants !

Raphaël Greggan