L’année scolaire qui vient de passer a été marquée par la catastrophe sanitaire dans les établissements scolaires sur fond de casse de l’Éducation et d’un ministère aussi méprisant avec ses personnels qu’avec les élèves et leurs familles. Mais on a pu voir, même si elles ont été insuffisantes, la construction de résistances sur plusieurs établissements…
On le sait depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois, le variant delta sera très probablement le signe de la rentrée, alors que nous venons de vivre un an et demi en voyant nos classes et nos écoles se transformer en cluster sans qu’aucun changement majeur n'apparaisse. Cette rentrée ne fera pas exception.
Une rentrée sous le signe delta ?
Blanquer promet un protocole sanitaire renforcé, mais l’ensemble des personnels d’éducation sait bien ce qu’il en est et quelle est la réalité sur le terrain. Des classes impossibles à aérer, un manque d’entretien des locaux car aucune embauche d’agents n’a été effectuée de manière massive dans les conseils départementaux, des masques insuffisamment protecteurs, et surtout des effectifs de classes toujours plus importants sans aucune embauche d’enseignants, d’AED, d’AESH... Les clusters de l’année dernière n’ont vraisemblablement pas suffi, il faut réitérer l’essai, malgré l’épuisement de celles et ceux qui sur le terrain se débattent pour que l’école se maintienne avec un protocole sanitaire inapplicable, des moyens insuffisants et des conditions de travail de plus en plus détériorées.
Évidemment, la soi-disant campagne de vaccination qui aurait pu se faire en lien avec l’école ne se fera pas, nous le savons déjà. Plutôt que de convaincre enfants et parents de l’utilité d’une vaccination massive, le ministre de l’Éducation nationale répand la division, non seulement avec le pass sanitaire qui s’il n’existera pas en tant que tel à l’école prendra effet lors des sorties ou en voyage scolaire, mais surtout avec dès la rentrée un racisme décomplexé déguisé en campagne pour la laïcité, ou en déclarant que l’allocation scolaire servirait aux familles à acheter des télévisions1.
Classes bondées et casse de l’éducation
Mais à la rentrée nous pourrons aussi voir les retombées des dotations horaires de janvier dernier s’appliquer. Ainsi, pour ne donner qu’un seul exemple, les effectifs de classe sur l’académie de Créteil en collège REP+ sans dispositif (Ulis2/Upe2a3) seront de 24,5 élèves par classe en moyenne, pour 24 à la rentrée précédente. Alors qu’il faudrait au regard de l’épidémie baisser drastiquement les effectifs de classe, l’Éducation nationale ne fait que les augmenter. Mais aussi d’un point de vue pédagogique, car si Blanquer et le reste du gouvernement se targuent d’avoir laissé les écoles ouvertes le plus longtemps possible au mépris de la santé du personnel d’éducation, des élèves et de leurs parents, la réalité est que du point de vue de l’enseignement l’écart s’est creusé, sans allègement des programmes et sans moyens supplémentaires, au détriment des élèves des quartiers populaires.
Pourtant les attaques de Blanquer continuent, en témoignent les annonces faites fin juin sur le bac4 et sur les épreuves communes ou encore la volonté de détruire le plus vite l’éducation prioritaire en la transformant en laboratoire : les budgets alloués le seront alors pour une durée de trois ans en contrat local avec des clauses permettant à ces contrats d’être retirés5. Cette réforme de l’éducation prioritaire fera ses premières classes à cette rentrée 2021 pour un essai de trois ans dans les académies de Nantes, Lille et Marseille. De plus, la réforme des concours d’entrée dans le métier qui s’appliqueront cette année auront aussi des conséquences sur nos métiers à l’avenir, notamment quand on sait que la nouvelle forme des épreuves à l’oral est un entretien oral de motivation… en bref un entretien d’embauche6...
Faire face aux difficultés
Nous le savons, la situation dans l’éducation est de plus en plus dramatique à tous les niveaux et pourtant cela fait plusieurs années que nous ne réussissons pas à contrer ces attaques d’ampleur. Évidemment, cette année encore nous devrons faire face à un ensemble de difficultés pour contrer ce qui nous attend. Partout le syndicalisme est en recul, de nombreux établissements étant devenus depuis des années des déserts syndicaux. Si le métier de prof reste un métier plus syndiqué que d’autres, n’oublions pas que celles et ceux s’étant finalement le plus mobilisés l’année dernière sont les statuts précaires, là où les syndicats sont peu implantés, à cela s’ajoute le recul sur l’idée de construire de véritables sections syndicales et militantes. Dans le même temps, la répression de l’institution est aussi de plus en plus forte, que ce soit via l’encadrement des pratiques pédagogiques ou via la répression contre les militantes et militants à laquelle on a pu assister ces dernières années. Enfin, le Covid comme dans de nombreux autres secteurs a eu un impact sur les collectifs militants, ou l’idée de collectif tout court.
Reprendre le chemin des luttes
Pour autant, nous ne partons pas de nulle part, des expériences ont été faites, parfois exemplaires mais trop souvent isolées ou partielles. Nous pouvons d’ores et déjà nous appuyer sur les luttes de l’année dernière qui ont permis de reconstruire des équipes militantes autour des luttes de précaires, autour des droits de retrait ou des grèves sanitaires. Nous avons d’ores et déjà deux dates dans le paysage : celle du 23 septembre (date de l’Éducation) et du 5 octobre (intersyndicale contre la réforme de l’assurance chômage). Dès la rentrée, il faut donc préparer l’offensive avec des heures d’infos syndicales et des assemblées générales pour construire ces dates. Mais face aux attaques et aux difficultés, il n’y aura pas de raccourcis, ces deux seules dates ne suffiront pas : nous avons besoin de campagnes autour de l’embauche, des conditions de travail et des moyens, de la reconstruction d’équipes combatives et surtout d’une volonté de se coordonner, car seul un mouvement de grève massif pourrait faire plier Blanquer.
- 1. « Allocation de rentrée scolaire : y a-t-il plus “d'achats d'écrans plats au mois de septembre”, comme le dit Jean-Michel Blanquer ? », Thomas Pontillon, France TV Info.
- 2. Unités localisées d’inclusion scolaires, classes particulières pour la scolarisation d’élèves en situation de handicap.
- 3. Dispositif d’aide à l’apprentissage du français par les élèves nouvellement arrivés en France (primo-arrivants) et allophones.
- 4. « Bac: Jean-Michel Blanquer annonce la suppression des épreuves communes », Le Figaro étudiant.
- 5. « Éducation prioritaire : une réforme discrète qui suscite des inquiétudes », Violaine Morin, lemonde.fr.
- 6. « Réforme de la formation des enseignants : « Non, un professeur n’est pas qu’un transmetteur de compétences ou de valeurs », Thibaut Poirot, lemonde.fr.