Publié le Mercredi 13 mai 2020 à 08h28.

« On propose aux personnels des écoles d’aller au front sans protection et en devenant des adultes maltraitants ! »

Qu’importe la méthode, qu’importent les conséquences, le gouvernement relance la machine à profits. Voilà l’objectif principal de la réouverture à marche forcée des écoles.Depuis quinze jours, les enseignantEs et les directeurEs d’école subissent une pression hiérarchique immense pour donner l’illusion que tout serait prêt pour une reprise des écoles le lundi 11 mai.

Maltraitance et absence de protection

La réalité de cette ouverture est une infamie. Ce qui rouvre ce n’est pas l’école, mais une sorte de garderie carcérale permettant au gouvernement de dérouler son plan com’. Lundi matin, rien n’était prêt. Dans des centaines d’écoles, les enseignantEs, tenus de se rendre en présentiel pour assurer la pré-rentrée, ont découvert que l’ensemble du faible matériel de protection promis par l’Éducation nationale n’était pas arrivé dans les écoles. Pas de masque, pas de gel hydroalcoolique, pas de lingettes désinfectantes… Et parfois, quand les masques sont arrivés à temps, la notice indique en gras que les masques ne protègent pas des ­contaminations virologiques.

Pourtant, quelques jours auparavant, un protocole sanitaire de 54 pages était enfin parvenu aux enseignantEs. Ce protocole réussit la prouesse d’être à la fois un cadre transformant les écoles en prisons pour enfants, tout en assurant une protection sanitaire au rabais pour les personnels de l’éducation.

Les injonctions inapplicables avec des enfants sont nombreuses : interdiction de se déplacer dans la classe, garder une distanciation physique y compris dans la cour de récréation, proscrire les jeux de contact et de ballon, retirer tous les jeux collectifs des classes…

Mais en dehors de ces injonctions, le protocole inscrit noir sur blanc que, par contre, il n’offrira pas aux personnels des protections adéquates pour empêcher les contaminations au Covid-19. Le protocole proscrit l’utilisation de masques pour les élèves de maternelle et d’élémentaire mais ne s’engage à fournir que des masques « grand public » aux enseignantEs et AESH et non des masques FFP2, seuls à même d’offrir un niveau de protection suffisant.

Voilà ce qu’on propose aux personnels de l’éducation : aller au front sans protection et en devenant des adultes maltraitants !

Mépris et mensonges

Comment empêcher des enfants de bouger, se déplacer, jouer ensemble, ou jouer tout court sans devenir des enseignantEs maltraitants ? Comment enseigner sans jeux, sans interactions entre pairs ? Certains réactionnaires se réjouissent déjà du retour d’une école à l’ancienne, à la dure, dans laquelle l’enseignement frontal est la seule règle, où l’élève applique et exécute en silence.

Les alertes ont pourtant été nombreuses. Le Conseil scientifique s’était d’abord prononcé pour une réouverture des établissements scolaires en septembre. Les syndicats enseignants et les fédérations de parents d’élèves se sont unanimement prononcées pour un report de l’ouverture des écoles.

Mais peu importent les avis médicaux ou les alertes du terrain, la décision politique était prise. Comme à leur habitude, Blanquer, Macron et Philippe ont sorti leur arsenal de mépris et de mensonges pour faire passer la pilule. Mensonge concernant la non-contamination des enfants démenti par les médecins de Necker et des études allemandes sur la charge virale des enfants ; mépris lorsque ce gouvernement, qui supprime des postes d’enseignantEs, maintient l’austérité budgétaire dans l’éducation, fait semblant de se préoccuper de l’échec scolaire ou des enfants des classes populaires ; mensonge encore quand, le 11 mai, Jean-Michel Blanquer ose affirmer qu’il y a plus de risques à rester à la maison que de retourner à l’école !

Les enseignantEs pris entre colère et pressions morales et hiérarchiques doivent trouver les moyens collectifs d’exprimer ce refus de participer à cette mascarade dangereuse. Deux nouveaux clusters ont vu le jour suite à des réunions de pré-rentrée dans des collèges. Autant dire que le risque d’une 2e vague de contamination est bien réel. Devant l’évidence, les enseignantEs commencent à déposer des droits d’alerte et des droits de retrait, refusant cette relance des profits au mépris de leur vie, de leur santé et de celle de leurs élèves et de leurs familles.