Publié le Mercredi 7 juillet 2021 à 18h00.

Quand Blanquer veut en finir avec le baccalauréat

Le bac 2021 aura sans doute le meilleur taux de réussite de ces dernières années, et dans le même temps, il aura été le bac le plus désorganisé.

Les grèves des enseignantEs dans la période n’ont pas été les seules responsables de ce tour de force. Pour preuve, les nombreuses absences de convocations des jurys et des candidats au grand oral ; les bugs qui empêchait d’entrer dans les applications dédiées ; la volonté managériale de passer à la correction de copie sur internet plutôt qu’au format papier ; les modifications des notes de dernières minute sans aucun recul pédagogique… Et les boulettes continuent. À croire que personne ne voulait mettre en place effectivement la réforme du bac.

Nier la réalité et l’intendance suivra (ou pas)

Cela fait un an et demi que Blanquer refuse de voir la réalité de la pandémie. Un an et demi que le paquebot de Grenelle continue d’avancer, sans se préoccuper des obstacles devant lui. Selon le ministre, le nouveau bac devait se dérouler normalement. C’est un échec global. Le ministère et les rectorats ont simplement démontré leur incapacité à organiser quatre épreuves (et des rattrapages) là où, les années précédentes, des dizaines d’épreuves se déroulaient normalement. Il faut croire que la parole magique « Tout va bien se passer » n’est pas suffisante à sa réalisation. Peut-être que la démission de Blanquer aurait été plus efficace…

Quand le maître explique…

Pierre Matthiot, principal artisan de la réforme du bac, est descendu de l’Olympe donner à la presse sa version des faits. Lui qui « [n’a] entendu aucun enseignant expliquer que les baccalauréats 2020 et 2021 avaient une valeur dégradée » (interview à l’Obs le 3 juillet), déclare tranquillement que Parcour­Sup (le système de sélection et d’affectation des bachelierEs dans les études supérieures) est « devenu le véritable aboutissement des études secondaires. » C’est ce qu’il faut retenir de ce marasme : la fin, dans les faits, du baccalauréat comme premier diplôme de l’enseignement supérieur. Voilà l’aboutissement de 40 ans de politique de destruction du service public d’éducation (dont Blanquer n’est que le dernier étage) : « [Élargir] le champ de la sélection aux filières les plus demandées (droit, médecine, éco-gestion...) des universités les plus cotées » (Matthiot). Le baccalauréat rejoint la cohorte de diplômes dont on garde trace pour mémoire, mais qui n’ont plus aucun sens pratique (tels le certif’, le brevet des collèges, le BEP, etc.).

Pourquoi maintenir des épreuves dans ces conditions ? Là encore, Matthiot en donne la clé : « Si vous ne faites pas peser l’épée de Damoclès d’une épreuve terminale jusqu’à la fin de l’année, les lycées seront malheureusement désertés de mars à juillet, à l’exception peut-être des établissements les plus favorisés où l’on prépare les élèves à l’entrée en classe préparatoire. » Aucune considération pédagogique, par exemple, sur le fait qu’il faudrait trois ans pour que les jeunes apprennent l’autonomie (intellectuelle, personnelle) nécessaire aux études supérieures ; ou que l’école serait un lieu pour l’émancipation de la jeunesse. Non. L’école n’est qu’un endroit qui permet d’empêcher les jeunes issues des classes laborieuses de trainer dans la rue et d’effrayer le bourgeois. Rien de nouveau dans cette politique, qui s’accompagne de son lot de répression, tant contre les jeunes (comme lors de la fête de la musique) que sur les enseignantEs – on ne compte plus les procédures disciplinaires partout en France.

Défendre le bac ou défendre l’éducation ?

Pour les gouvernants, il ne s’agit plus d’obtenir 80 % d’une classe d’âge au bac, mais 50 % d’une classe d’âge en licence. C’est-à-dire une redistribution des emplois en France, entre des emplois très spécialisés (sanctionnés par des diplômes qui empêchent une reconversion) et des contrats « uber » pour la majorité, où l’absence de diplôme permet de mettre la pression sur les salaires. Pour le NPA, il ne s’agit pas de tomber dans une défense en soi du bac 1. Mais nous défendons une « immunité éducative », où les jeunes prendront le temps de s’émanciper au travers de l’école. Et aujourd’hui, il devient évident que des luttes d’ampleur seront nécessaire pour y arriver. Voilà ce qui nous attend à la rentrée.

1 – Voir à ce sujet « De quoi le baccalauréat est-il la finalité ? » sur https://www.questionsdec…)