Un destructeur de l’École publique peut en cacher un autre. C’est ce que l’on s’est dit en entendant les annonces du président de la République à Marseille la semaine dernière. C’est que, trop habituéEs aux provocations du ministre Blanquer, on en aurait presque oublié celui qui l’a nommé à ce poste…
Alors qu’à Marseille, comme dans beaucoup d’autres quartiers partout en France, l’école publique souffre d’un manque de moyens matériels et humains, le docteur Macron a dévoilé, à la surprise générale, une série de remèdes encore pires que le mal… Les classes sont surchargées, les locaux délabrés au point qu’il pleut dans les salles, que des rats gambadent dans les couloirs et que les murs s’effondrent ? La solution, bien sûr, c’est de détruire les statuts de la fonction publique !
Recruter les profs comme dans le privé
Du milliard précédemment évoqué, qui ne suffirait même pas à rénover les 174 écoles identifiées comme vétustes, il n’est plus question. Par contre, par un habile tour de passe-passe, Macron nous ressort l’une des plus vieilles lubies libérales : la fin de la règle d’affectation des fonctionnaires enseignants, et l’expérimentation de leur recrutement (et on l’imagine… de leur licenciement aussi) directement par leur directeur d’école.
Colère et déception chez les personnels de l’éducation marseillais, qui ne s’attendaient probablement pas à ce que la visite du président se transforme en basse récupération de leurs conditions de travail pour mettre en place le new public management. On voit mal, également, ce que cette expérimentation, pour l’instant limitée à 50 écoles à partir de l’année prochaine, mais appelée à s’étendre, pourrait apporter comme solution à la crise du recrutement et à la flambée des démissions dans l’Éducation nationale. Tout comme la réforme de la place des concours et de la formation qui se met en place cette année, cette mesure ne ferait en fait qu’aggraver la crise et accroître la pénurie de volontaires.
Calcul politique
Si on était cynique, on dirait sans doute que Blanquer et Macron ont conscience de tout cela, mais qu’ils poursuivent un autre but : celui d’installer l’idée que, si l’École va mal, ce n’est pas à cause des réformes destructrices qui se succèdent depuis des années, et dont le rythme s’est accéléré depuis Blanquer, mais à cause d’une erreur de « casting » ou d’un manque de motivation. En gros, que c’est à cause des profs.
À quelques mois de la présidentielle, il s’agit évidemment d’un calcul politique assumé. Blanquer, qui va battre le record de longévité au poste de ministre de l’Éducation de la 5e République, n’est pas que le « vieil oncle réac » à la table du macronisme. Il en est bien l’un des éléments centraux, et l’épisode de Marseille le montre, puisque Macron a pioché son idée du recrutement par les directeurs directement dans les écrits de son fidèle ministre.
Alors qu’élèves et enseignantEs ont repris le chemin des écoles avec des taux d’incidence largement au-dessus des taux d’alerte et un protocole sanitaire totalement à côté de la plaque, ils ne tirent pas vraiment de consolation de voir que l’Éducation va tenir une telle place dans le débat des présidentielle. Caméras dans les collèges et lycées, instrumentalisation raciste de la laïcité, mépris des pauvres accusés de dilapider leurs allocs en écrans plats, et maintenant haine des profs, dont le statut serait la cause de tous les maux de l’École…
« Toutes ces innovations, on en rêve » a conclu Emmanuel Macron à Marseille. Nous ce dont on rêverait, c’est plutôt que les mouvements de grève ou d’annulation de la rentrée, comme à Querqueville dans la Manche, se cristallisent à partir de la journée de lutte du 23 septembre, et donnent un grand coup de balai dans cette politique de destruction des services publics et en particulier de celui de l’École.