Publié le Mercredi 13 juillet 2011 à 18h32.

« Réforme » des rythmes scolaires : le gouvernement avance lentement mais sûrement

Le comité de pilotage (Copil) de la conférence nationale sur les rythmes scolaires a remis son rapport final à Luc Chatel, le 4 juillet dernier. Les commentaires se sont focalisés sur une proposition phare, la réduction des congés d’été. Si le gouvernement, affaibli politiquement, ne peut se permettre actuellement « d’ouvrir la boîte de Pandore », rien ne dit que ce rapport ne constituera pas le prélude à une série d’attaques d’envergure contre l’enseignement public. Le rapport du 4 juillet évoque principalement l’organisation de l’année scolaire, avec des préconisations qui rappellent ce que le Copil précisait en janvier : toutes les propositions sur les rythmes « ont en cascade, des incidences sur les missions, voire sur le statut des enseignants ». Sous couvert des rythmes, il s’agit ici de restreindre le droit aux études. Une diminution du temps d’apprentissageLe raccourcissement de deux semaines des congés d’été implique une augmentation du temps de travail des enseignants et la division en trois zones des vacances d’été (comme les vacances de février ou d’avril), ce qui laisse en suspend la question du bac. On note ainsi une diminution des heures de cours sur la semaine, mais un accompagnement éducatif (« aide à l’élève sous toutes ses formes ») de deux heures par jour jusqu’en cinquième puis une heure seulement serait imposé. Après 2007, les instits avaient arrêté de travailler le samedi, les 108 heures enlevées avaient été annualisées pour créer de « l’aide personnalisée », ce qui a permis au gouvernement de supprimer les réseaux d’aide (Rased). Le rapport du Copil parle d’un retour du travail le mercredi, mais sans mentionner les 108 heures définitivement perdues pour tous les élèves. L’obligation de l’aide éducative signifie pour tous les personnels de l’éducation, le dépassement quotidien des huit heures de travail par jour et la sortie à 17 heures pour tous. Dans ce rapport, on peut lire qu’il faut une pause d’une heure et demie le midi. Mais pour les personnels communaux, c’est une réduction importante de leurs revenus. Bien des villes ont aujourd’hui deux heures de pause à midi, ce qui signifie la perte d’une demi-heure pour tous les vacataires des cantines. Et pour les centres de loisirs des maternelles qui ouvraient dès la fin de l’école à 16 heures ou 16 h 30, cela fait perdre jusqu’à une heure de salaire. Mettre en place "l’école du socle commun"Ce rapport souhaite « contribuer au rapprochement de l’école primaire et du collège pour aller vers une école du socle commun », où serait dispensé un enseignement au rabais pour tous et où seuls les meilleurs élèves auraient la possibilité d’accéder à plus de connaissances. De plus, le Copil souhaite instituer un palier à la fin de la classe de cinquième, laissant entrevoir la fin du collège (unique). Il salue aussi l’autonomie croissante des établissements et relève que le statut des directeurs d’école doit évoluer. Ce rapport souhaite associer les collectivités locales, y compris pour des activités scolaires, et franchir ainsi une nouvelle étape dans la décentralisation, prélude à un désengagement de l’État et à un renforcement des inégalités. En filigrane, modifier les missions et le statut des enseignantsSitôt que le rapport lui a été remis, Chatel a annoncé que des « chantiers plus structurants » comme « les missions des enseignants » ou « la réforme du collège » seront l’objet de débats durant la campagne présidentielle. Ayant renoncé à évoquer franchement les missions des enseignants, le Copil relève toutefois qu’il faut réfléchir à instaurer l’annualisation, avant de préciser les choses sur la répartition de service des enseignants : « Peut-elle être repensée en volumes annuels, confiée aux équipes d’établissement et libérée du carcan horaire hebdomadaire ? » On ne saurait être plus clair. Quant à l’accompagnement éducatif, outre la dévalorisation des contenus d’enseignement qu’il entraîne, il permet de pousser à l’autonomie des établissements (« une marge de manœuvre est ainsi laissée aux établissements »). Pas de concertation avec le gouvernement sur ces bases !La situation actuelle de l’enseignement n’est vraiment pas satisfaisante : classes surchargées, rythmes scolaires trop soutenus, ce qui entraîne un décrochage massif des jeunes ; manque de personnels, ce qui ne permet pas aux enseignants et aux personnels de répondre aux attentes des élèves. Bref, les réformes successives ont rendu le métier d’enseignant et d’éducateur impossible. Mais nous ne pouvons pas croire que quelque chose de positif sortira de la concertation sur ce thème avec ce gouvernement. Sous couvert des rythmes scolaires, Chatel prépare une offensive contre les programmes nationaux et les statuts des personnels. Ce projet est inséparable des autres attaques du gouvernement contre l’enseignement public, notamment l’instauration des établissements Éclair (avec recrutement local des enseignants sur des objectifs locaux) et bien évidemment les suppressions de postes d’enseignant et de personnels. On ne peut que le constater, la plupart des syndicats enseignants, notamment la FSU, participeront à cette concertation. Le rapport du Copil ne peut constituer une base de discussion. La défense des personnels et des intérêts de la jeunesse commande d’en exiger le retrait. Il s’agit donc de s’organiser pour empêcher la destruction programmée de l’enseignement public. Nous devons interdire à ce gouvernement de nuire davantage, et préparer ainsi les luttes enseignantes qui arriveront immanquablement dans les prochains mois. Une première date de mobilisation contre les suppressions de postes est posée pour le 27 septembre. À nous de nous en emparer et de préparer des suites immédiates et à la hauteur de la situation, au moment de l’examen du budget (et donc des suppressions de postes) à l’Assemblée nationale.

Éric Aba et Raphaël Greggan