Publié le Mercredi 7 février 2018 à 16h21.

Airbus : machine à cash

Une machine à cash : c’est ainsi que toute une génération de salariéEs voit désormais Airbus. Une génération qui a connu Airbus au temps de l’Aérospatiale et plus tard d’EADS, conçu Concorde puis l’A300 et l’A320, et avait le sentiment de concevoir des produits qui permettaient un progrès pour tout le monde. Puis la gauche est passée par là avec la privatisation d’EADS en 2000.

Un marché en pleine expansion

Le capital de l’entreprise est à 72 % aux mains de fonds de pension, les États français, allemand, anglais et espagnol se partagent le reste. Le maître mot de la direction c’est la rentabilité, avec un objectif martelé de 10 %. Le marché de l’aviation commerciale est en pleine expansion. Entre le renouvellement de la flotte existante et l’expansion du trafic aérien (+ 5 % par an en moyenne), il y a 34 000 avions à produire d’ici 20 ans. Un énorme marché monopolisé par Boeing et Airbus, avec des constructeurs de « second rang » tels qu’Embraer, Bombardier ou encore Comac. Airbus cumule un carnet de commandes de 10 ans pour une valeur de plus de 1 000 milliards de dollars.

Sous-traitance partout

Une expansion que la direction veut capter au seul profit des actionnaires. Pour cela, elle impose à ses sous-traitants de produire surtout dans les pays low cost (Maghreb, Europe centrale, Mexique). Dans les usines françaises, il y a en moyenne 10 % d’intérim et jusqu’à 50 % dans certains secteurs. Les relations avec les sous-traitants sont brutales.

Tous les trois ans, Airbus renouvelle les contrats et impose une réduction des coûts de 20 %. Par exemple, en 2017, le contrat de nettoyage de la chaîne A330, détenu par la société Attalian a été repris par Onet qui a fait une offre à 4 millions d’euros au lieu de 5 précédemment. Pour préserver ses marges, Onet s’en est pris aux rémunérations des nettoyeurEs, supprimant les tickets-restaurant, certaines primes et ne reconnaissant pas un accord de fin de grève datant de l’année dernière.

L’autre politique vis-à-vis de la sous-traitance c’est le modèle économique RSP (Risk Sharing Partner). Quand un sous-traitant de rang 1 postule, il doit prendre à ses frais tous les coûts de recherche, d’outillage, etc. C’est ainsi que Latécoère s’est retrouvé en difficulté de trésorerie pour finalement être racheté par un fonds de pension américain. 

Recherche et social low cost

Aux yeux de la direction, les coûts de recherche et développement, trop élevés, sont mauvais pour la rentabilité. En conséquence, il n’y a plus aucun projet d’avion à l’étude avant 2030, et ce sont entre 4 000 et 5 000 postes d’ingénieurEs et technicienEs qui ont disparu à Toulouse depuis 4 ans. Cela ne fait pas de bruit car ce sont des salariéEs de sociétés d’ingénierie et de services : Airbus sous-traite aussi les licenciements…

Pourtant ce ne sont pas les perspectives de recherche qui manquent : les économies de carburant envisageables avec les avions actuels sont limitées. Pour aller plus loin il faut des technologies de rupture : redéfinition du fuselage pour aller vers des ailes delta, propulsion hybride, électrique, etc. Mais cela se heurte au froid calcul de la rentabilité.

Il y a urgence. Avec, chaque jour, 102 000 vols transportant 9 millions de passagerEs, se déplacer, voyager reste un droit démocratique élémentaire. Dans les faits, dans tous les secteurs c’est la course permanente aux objectifs fixés par la direction : en 2017, 718 avions ont été produits ; en 2018 ce seront autour de 800 avions qu’il faudra fabriquer, contre 17 avions par mois dans les années 1990.

Airbus, entreprise nationalisée avec l’illusion d’être à l’abri de certaines pratiques, devient ainsi une entreprise comme les autres. Ce qui veut dire une direction comme les autres, avec non seulement les mêmes obessions de rentabilité, mais aussi les mêmes mœurs : enquêtes pour délit d’initiés et pour corruption, parachutes dorés, salaires mirobolants et stock-options… On est jamais si bien servi que par soi-même.

Correspondant