Publié le Mercredi 30 avril 2014 à 09h52.

Alstom : Monopoly antisocial

L’histoire d’Alstom a toujours été au cœur de enjeux industriels et financiers français. Une longue histoire...

Alstom résulte du rapprochement de la Société alsacienne de constructions mécaniques et de la Compagnie française pour l’exploitation des procédés Thomson Houston (CFTH). En 1969, la Compagnie générale d’électricité (CGE), symbole des entreprises bichonnées par la politique gaullienne d’indépendance nationale, devient l’actionnaire majoritaire d’Alstom. C’est dans cette même logique que la CGE sera nationalisée en 1982. Mais avec le revirement économico-politique de Mitterrand, la CGE est reprivatisée en 1987. De regroupements en cession d’activités, Alstom se retrouve en difficultés industrielle et financière et proche de la faillite. Le groupe a notamment été handicapé par le siphonnage de sa trésorerie par Alcatel avant son introduction en Bourse.

Stratégies patronales, politiques libéralesC’est dans cette situation que l’État français entre en 2004 dans le capital d’Alstom au niveau de 21 %. Certaines activités du groupe sont vendues (les turbines industrielles à Siemens, la division transmission et distribution d’énergie à Areva), mais le dépeçage du groupe est évité, et Sarkozy put se vanter d’avoir sauvé Alstom et les 2 800 emplois du site de Belfort. Nationalisation des difficultés, privatisation des bénéfices. Trois ans plus tard, l’État revend ses parts au groupe de BTP Bouygues qui est, jusqu’à aujourd’hui, premier actionnaire d’Alstom, avec 29,4 % du capital. Face aux nouvelles difficultés liées à la crise économique, mais après cinq années où les actionnaires ont quand même pu empocher 1,3 milliard d’euros, Bouygues préfère ramasser sa mise et la placer dans des secteurs plus rentables. Une ouverture des livres de comptes sous contrôle des salariéEs permettrait de mettre en évidence que les actionnaires se sont largement servis au détriment des salaires et des investissements. D’ailleurs, toutes les manœuvres en cours se passent dans une telle obscurité que Montebourg s’en est ému et a saisi mardi 29 avril l’Autorité des marchés financiers (qui, bien sûr, n’est pas une garantie) !

Les apprentis sorciersL’annonce des négociations entre la direction d’Alstom et General Electric a déclenché un tsunami. Siemens s’est mis sur les rangs. Les apprentis sorciers industriels et politiques se mobilisent au nom du « patriotisme économique ». Une solution alternative autour d’EdF serait envisagée par le gouvernement. Mailly pour FO, Mélenchon pour le Front de gauche, réclament, eux, une nationalisation provisoire, forme qui se veut radicale d’un nouveau « sauvetage » par l’État avant de reprivatiser. Il est difficile de savoir ce qui va exactement en sortir mais une chose est sûre : ni le privé, ni la nationalisation temporaire ne sont des solutions. D’un côté, le groupe Péchiney a déjà expérimenté la stratégie du rachat par le groupe canadien Alcan, où le pillage économique fut accompagné par la fermeture de 90 % des sites. De l’autre, les expériences de PSA ou de Renault montrent que l’entrée de l’État dans le capital d’un groupe n’est une garantie ni industrielle, ni en matière sociale ou d’emploi.

Une seule solution, l’expropriationPour les salariéEs d’Alstom, l’essentiel est la sauvegarde des 18 000 emplois. Pour défendre ces emplois, pas question de faire confiance à General Electric, Siemens ou à un patron privé français. L’expropriation d’un tel groupe est la seule réponse à la hauteur des enjeux sociaux. Elle l’est d’autant plus que l’État est le principal client du groupe, à hauteur de 50 %, à travers les commandes d’entreprises publiques nationales comme la SNCF et EdF, pour des secteurs – transports en commun, fabrication et distribution de l’énergie – qui constituent des enjeux essentiels tant du point de vue des besoins sociaux collectifs que du point de vue écologique.

Robert Pelletier