Publié le Jeudi 17 octobre 2024 à 15h00.

Après les superprofits, la surproduction et la concurrence alimentent la crise

Bien qu’allant de crise en crise, l’industrie automobile européenne demeure la filière qui emploie le plus de salariéEs de toute l’industrie : en 2023, 1 million de salariéEs et 1,2 million chez les équipementiers ou sous-traitants. 100 000 salariéEs en France contre le double il y a 20 ans.

Les maximums de production ont été atteints en Europe avant la récession de 2008-2009. Les délocalisations, cumulées à la saturation en automobiles des pays européens, expliquent l’ampleur de la baisse. Beaucoup plus forte en France, avec une production divisée par 3 en 20 ans.

La Chine est, depuis 2009, le premier pays automobile. Le tiers des automobiles mondiales y est vendu et produit ; de nombreuses firmes européennes, nord-américaines et japonaises y ayant trouvé un relais de croissance et de profits.

L’eldorado brisé des firmes automobiles 

Selon le cabinet d’audit Ernst Young, en 2023, la rentabilité moyenne des constructeurs automobiles a atteint 8,6 % son plus haut niveau depuis 2008-2009. Avec une marge opérationnelle de plus de 6 % pour Renault et des dividendes multipliés par 7 en un an. Stellantis détenait le record du monde des constructeurs généralistes avec une marge de 13 % et des dividendes en augmentation de 16 %. 

Plus brutal est le choc aujourd’hui. Volkswagen, première en Europe depuis 25 ans, annonce la fermeture d’une usine en Belgique et d’une autre en Allemagne. Une première historique pour la marque. Stellantis n’exclut pas aussi des fermetures. 

En plus des méventes accentuées en Europe, les ventes de Volkswagen en Chine sont dépassées pour la première fois par celles des firmes chinoises pour les voitures électriques. Pour Stellantis, il est devenu impossible à sa marque nord-américaine Chrysler de continuer à vendre de plus en plus cher. D’où des stocks considérables et des rabais pour les écouler : la pépite financière de Stellantis est mise à mal. 

La voiture électrique en panne

La vertu écologique n’est certes pas à l’origine de la décision du passage à la voiture électrique en Europe en 2035. C’est la nécessité de nouveaux débouchés à une industrie en panne de croissance en Europe qui en est la cause.

Les ventes étaient jusqu’à présent « dopées » par les cadeaux des pouvoirs publics aux riches acheteurs des véhicules électriques dont le prix moyen est supérieur à 40 000 euros. Les aides sont sur le point de cesser. En Allemagne les ventes de voitures électriques se sont effondrées de 69 % au mois d’août ; la baisse a été de 44 % dans toute l’Europe. Les annonces austéritaires du gouvernement Barnier vont dans le même sens. Les voitures électriques restent beaucoup trop chères pour être autant diffusées que la voiture des « années 1970 ». 

Il apparaît déjà des surcapacités de production. L’usine Mirafiori Fiat de Turin est fermée jusqu’en novembre, la Fiat 500 électrique ne se vendant qu’à 20 000 exemplaires cette année pour une capacité de production de 100 000. Renault prévoit une réduction de moitié pour l’électrique en 2025.

Un phénomène amplifié pour les fabricants de batterie, élément clé de la fabrication d’une voiture, qui peut représenter la moitié du prix. Les gouvernements d’Amérique du Nord et d’Europe les incitent, par des subventions, à y installer leur « giga-usines ». Une véritable ruée vers ce nouveau gisement de profit qui combiné avec les ratés actuels de la croissance de ces véhicules, fait que la surproduction est déjà là. Le fabricant détenu par TotalEnergies, Stellantis et Mercedes-Benz, a annoncé en juin 2024 le report sine die de la construction de ses usines en Allemagne et en Italie.

Les équipementiers en première ligne des transformations

Les chaînes de production et de valeur de l’industrie automobile se diversifient en termes géographiques et technologiques. Les plus puissants des équipementiers, à l’exemple de Valeo, se restructurent en interne à coups de fermetures d’établissements, de transferts d’activités et de licenciements. Les autres équipementiers et sous-traitants, souvent liés à une seule technique, sont abandonnés par leurs donneurs d’ordre. En Allemagne, ZF supprime 14 000 postes de travail sur 54 000 et provoque la fermeture de l’un de ses fournisseurs situés à Strasbourg. En France, ce fut il y a trois ans la liquidation par Renault de tous les sous-traitants du secteur des fonderies. Cet été, c’est la fin décrétée par Stellantis de MA France, dernière usine automobile de Seine-Saint-Denis.

La concurrence de tous contre tous

PSA a fusionné avec Fiat dans Stellantis, et Renault est démembré autour de ses filiales Ampère pour les voitures électriques et Horse pour les moteurs thermiques. C’est tout l’équilibre entre les firmes en place depuis plus de cinquante ans qui est remis en cause. Font irruption des entreprises chinoises qui contrôlent la filière de la production des voitures électriques depuis les usines de batteries. Et un seul nouveau constructeur automobile a émergé aux États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale : Tesla, firme à la capitalisation boursière de 850 milliards de dollars pour un million de voitures vendues dans le monde contre 35 milliards de dollars pour Stellantis pour 6 millions de voitures vendues. Les innovations du fondateur de Tesla, Elon Musk, sont fondées sur un grand bond en arrière des conditions de travail, incluant la chasse aux syndicats et la honte de faire travailler cent heures par semaine.