En bloquant successivement les accès de sites de PSA et de Renault, les ouvriers de l’usine GM&S à La Souterraine, dans la Creuse, ont pointé et dénoncé les responsabilités des deux firmes automobiles, donneurs d’ordre des commandes à l’usine.
Leur résistance pour leur emploi et le maintien de l’activité dans l’usine se poursuit, alors que le tribunal de commerce de Poitiers a encore reporté sa décision face à la seule proposition de reprise qui supprime plus de la moitié des effectifs de l’usine.
L’externalisation des tâches est une donnée structurelle de l’industrie automobile. Elle conduit les constructeurs à déléguer à leurs fournisseurs une part de plus en plus importante de leur activité. Il y a quinze ans, les équipementiers et sous-traitants ne réalisaient encore que 50 % du prix de revient de fabrication des véhicules. Cette part dépasse aujourd’hui 75 %.
Les équipementiers champions de la rentabilité
Après les constructeurs, les équipementiers automobiles se sont engagés plus tardivement dans leur processus de concentration, la crise de 2008 l’ayant fortement accéléré. Les champions français du secteur, Valeo, Faurecia (filiale de PSA) et Plastic Omnium, ont grandi à coups de rachats et de fusions. Ils espèrent profiter de l’essor attendu de l’électronique embarquée dans les voitures, celle-ci devant représenter 50 % de la valeur ajoutée d’une voiture dans les prochaines années, contre 30 % actuellement.
Les équipementiers automobiles sont en capacité de négocier avec les firmes automobiles le partage des activité... et des profits. Avec un taux de marge affiché de 8 %, Valeo génère en proportion plus de profit que Renault ou PSA...
La majorité des salariéEs de l’automobile chez les sous-traitants
Les activités de sous-traitance, tant pour les constructeurs automobiles que pour les équipementiers, demeurent très dispersées, et occupent en France la majorité des salariéEs de la filière automobile dans 3 000 entités. Sur un total de 440 000 salariéEs, 125 000 sont employés par les constructeurs automobiles présents en France, 85 000 par les équipementiers, et 230 000 dans des activités relevant principalement de la sous-traitance. 100 000 salariéEs y travaillent dans des usines spécialisées dans le traitement métallurgique et la fabrication de pièces mécaniques. Même bourrée d’électronique, la voiture dite individuelle demeure une armure de plus d’une tonne de matériaux !
L’objectif des constructeurs est de réduire le nombre de leurs fournisseurs dans la sous-traitance, non pour en baisser le volume d’activités, mais pour mieux les intégrer dans leurs stratégies tout en conservant les avantages de la flexibilité. Il s’agit d’y appliquer plus efficacement leurs contraintes en terme de cahier des charges, de contrôle des procédés de fabrication, et de prix de revient.
Alors qu’il est possible de requalifier un travail individuel en contrat de travail dès lors que la subordination au donneur d’ordre est démontré, c’est bien l’intégration des salariéEs de ces sous-traitants dans les effectifs des entreprises donneurs d’ordre qu’il faut exiger avec les mêmes droits et les mêmes salaires pour touTEs.
Soutien à la résistance des GM&S !
Par le retentissement national de leur lutte, les GM&S sont devenus emblématiques de la crise qui frappe les sous-traitants automobiles. La chute des commandes signifiait l’asphyxie de l’usine, décidément de trop pour les services achat de Renault et PSA. Sans la résistance des ouvrierEs, la fin de l’usine était programmée.
Face à la division et à la fragmentation des processus de production, il s’agit bien pour le mouvement ouvrier de reconstruire des collectifs de travail les plus efficaces et les plus rassembleurs. En portant des revendications impliquant directement Renault et PSA, la lutte chez GM&S brise l’enfermement dans lequel les stratégies patronales veulent confiner les travailleurEs des entreprises sous-traitantes.
Jean-Claude Vessillier