Cinq petites minutes... C'est visiblement le temps qu'a pris la direction de Bridgestone pour évacuer le « plan B » proposé par le gouvernement, la région Hauts-de-France et l'intersyndicale de l'usine, un plan pourtant bien vicié puisqu’il consistait à maintenir l'usine avec un peu plus de la moitié des emplois. Xavier Bertrand, président de région comme le gouvernement s’étaient pourtant dits prêts sortir de nouveau le chéquier pour arroser les actionnaires de nouvelles subventions publiques. Cette « solution » qui consistait à sacrifier la moitié des salariés pour en sauver l'autre n'a de toute façon pas reçu les bonnes grâces des dirigeants de l’entreprise qui, selon des documents dévoilés dans la presse, ont calculé leur marge à l'euro près avec la fermeture définitive du site.
Le plan M comme mobilisation
La direction a fait ses choix et rien de bon n'en sortira pour les travailleurs si ceux-ci ne troublent pas le jeu par leur propre intervention. L'intersyndicale mise désormais sur des négociations concernant les modalités de départ pour obtenir des primes pour les travailleurs. Dans le même temps, un groupe de salariés s'est constitué en association, « Les affranchis de Bridgestone », et attaque l'entreprise en justice dans le but de retarder la fermeture de l'usine. Cela pourrait laisser du temps à l’organisation d’une contestation des plans de la direction, du temps pour que les salariés se donnent une perspective et ne soient pas réduits à attendre les bras croisés que leur sort soit scellé par d'autres. Ce premier round dont on les a laissés spectateurs leur a laissé un goût amer.
Les moyens dont les travailleurs peuvent se saisir pour marquer des points sont multiples. Mais aucun d'eux ne sera suffisant sans qu'une mobilisation ne voie le jour. En s'organisant et en s’engageant dans l’action, ils pourraient montrer leur force et contraindre la direction à revoir ses plans scélérats qu’elle croit ficelés. Dans l'usine, les discussions vont bon train en ce sens. L'idée qu'il faudrait un mouvement fait d'autant son chemin que les négociations « à froid » n'ont jusqu'à présent rien donné.
Nous sommes tous des Bridgestone
Les travailleurs de Bridgestone ne sont pas seuls. Alors que dans tous le pays, le patronat enchaîne les plans de licenciement ou les fermetures de site, beaucoup (surtout dans le Nord mais pas seulement) voient les Bridgestone comme un symbole. Le gouvernement ne s'y est pas trompé. Macron qui n'a de cesse de satisfaire les moindres désirs du grand patronat a envoyé ses ministres au front pour donner l'impression d'agir et éviter qu'une véritable contestation ne se développe.
Une mobilisation dans l'usine aurait une portée bien au-delà du site lui-même, à l'échelle de la région et même de la France entière. C'est une force considérable dont les travailleurs peuvent se saisir. Les travailleurs de Bridgestone pourraient devenir les porte-étendard d'une contestation qui se propagerait. Déjà des secteurs durement frappés comme l’aéronautique, la grande distribution ou le tourisme ont tenté de se regrouper en collectifs, dans la perspective d’une lutte commune. Avec les développements actuels des politiques gouvernementale et patronale et l’explosion des licenciements et du chômage, les combats nécessaires sont à attendre. Voilà qui secouerait la direction du groupe autrement que les discussions autour d'une table avec Xavier Bertrand !