Après des années de louvoiement, les dirigeants de Ford ont fini par annoncer la couleur : ils veulent se désengager. C’est donc la fermeture de l’usine de Blanquefort qui est programmée avec la disparition de 900 emplois directs et environ 3 000 emplois induits dans la région. C’est forcément un gros coup sur la tête des salariéEs mais ce n’est pas non plus une surprise.
Nous dénonçons la politique de Ford depuis longtemps. Une politique pas originale puisqu’il s’agissait, malgré des profits énormes, d’encaisser des aides publiques (Europe, État, région, département, agglo, commune… tout y est !) à hauteur de 50 millions en seulement 5 ans, de promettre en échange un maintien de l’activité et des emplois, chose qui n’a évidemment jamais été respectée. Pendant que les pouvoirs publics laissaient faire, la CGT n’a cessé de dénoncer l’entourloupe, notamment en attaquant Ford au tribunal pour non-respect des engagements, en menant des actions, manifestations pour alerter, sensibiliser.
Nous n’avons jamais cessé non plus de solliciter gouvernement et collectivités territoriales, imposant ainsi la tenue d’un comité de suivi piloté par le préfet, histoire de maintenir un minimum de pression sur Ford.
Nous voulions empêcher Ford d’aller au bout de sa logique d’abandon. Nous n’avons pas réussi. Maintenant nous sommes un peu plus dans la galère. Mais nous réagissons, avec nos forces du moment. Les collègues sont écœuréEs, en colère mais pas forcément déterminés à mener la bataille. Comme souvent, une minorité est prête à en découdre, à ne rien lâcher. Un front intersyndical se construit, avec une partie des cadres. L’équipe CGT essaie d’entraîner, de donner confiance, de façon à amorcer une véritable mobilisation.
Construire la riposte
L’axe est simple pour nous. Ford veut fermer, nous refusons, nous ne lui reconnaissons pas le droit de décider. Depuis 45 ans, Ford a demandé et reçu d’énormes financements publics. On peut parler d’une partie publique de l’usine. Ce qui remet encore plus en cause la légitimité de Ford, de son pouvoir, de sa propriété. Ford doit rendre des comptes et a des obligations envers les salariéEs comme envers la collectivité, la population.
Nous avons besoin de remettre en cause ce droit de fermer et de licencier pour Ford comme pour Castorama, Bosch, GM&S… L’idée, c’est de mettre la pression, y compris sur les pouvoirs publics, qui ont des responsabilités à assumer, un rôle politique à jouer au-delà des indignations verbales. Aujourd’hui le gouvernement, les Juppé et autres, dénoncent Ford et exigent un maintien des emplois. Mais nous, salariéEs, nous devons nous mobiliser pour augmenter la pression sur tout le monde.
La perte des emplois est inadmissible, injustifiable. Mais notre difficulté c’est d’avoir confiance dans notre capacité à riposter et empêcher la catastrophe. Cette force et cette confiance c’est certainement dans la convergence avec la population, nos collègues cheminotEs, celles et ceux de La Poste, de la santé, avec les étudiantEs qu’on pourra la trouver. En tout cas c’est une perspective pour nous dans notre bataille pour sauver nos emplois, notre seul moyen de vivre.
Philippe Poutou