Depuis quelques semaines, le dossier de la formation professionnelle est au cœur des discussions entre « partenaires sociaux », avec une volonté gouvernementale d’en contrôler la gestion, assurée jusque-là par les dits « partenaires », en contrepartie de prétendues concessions sur l’assurance chômage.
L’accord interprofessionnel de juillet 1970 et la loi de juillet 1971 visaient la « prévention » des licenciements et la mise en place de moyens pour adapter les salariéEs aux transformations de l’appareil productif et de l’organisation du travail. Le « traumatisme » du mouvement de mai 1968 et la vision d’un chômage résultant de difficultés d’adaptation, dans un contexte de croissance propre à l’environnement des Trente Glorieuses, expliquent l’acceptation, à l’époque, par le CNPF, du principe d’une contribution des entreprises pour financer la formation.
De l’autre côté, avec cette validation, les organisations syndicales s’engageaient dans un dialogue social pourvoyeur de financements et de prérogatives en matière de formation des salariéEs. Les organisations syndicales enseignantes, dont la puissante FEN, se tirent alors une balle dans le pied en minant les fondations de l’enseignement professionnel dans le cadre de l’éducation nationale.
Contre le chômage, l’introuvable alchimie
Depuis lors, rapports et accords se multiplient, censés résoudre l’« inadéquation » entre le marché du travail et les qualifications ou l’absence de formation des jeunes et des chômeurEs. Fraudes et opacité du fonctionnement et des financements sont régulièrement dénoncés, en même temps qu’est constatée la faible efficacité des dispositifs.
C’est au cœur de ce marécage social d’un « coût » de 32 milliards d’euros que le gouvernement prétend s’attaquer. Mais loin d’un prétendu big-bang, les propositions de Pénicaud sont dans le prolongement des précédentes réformes : monétarisation, individualisation, marchandisation des formations au bénéfice d’officines toujours moins contrôlées. La prise en main de la collecte des fonds par l’URSSAF et la participation des régions à leur gestion suscitent la colère du MEDEF et des directions syndicales, au nom du « dialogue social ». Le danger est celui, comme pour la Sécu ou l’assurance chômage, d’une gestion comptable par un État qui fait le choix de distribuer ses largesses aux entreprises tout en continuant à réduire les moyens de l’éducation nationale.
De plus en plus clairement, le gouvernement Macron s’oriente vers un retour à une présidentialisation plus marquée de la 5e République. Un des éléments essentiels consiste dans la mise à l’écart des « corps intermédiaires ». Si le Parlement semble être également visé au travers de la réforme constitutionnelle en préparation, ce sont les organisations syndicales de salariéEs et les organisations patronales qui sont aujourd’hui en première ligne. Malgré ses cris d’orfraies, le MEDEF conserve toutefois bien d’autres moyens de financement et de prise en main des formations. Les organisations syndicales de salariéEs réclament de nouvelles négociations. Mais sans rapport de forces, il ne saurait être question d’autre chose que de tractations visant l’ensemble du « dialogue social » : fonction publique, cheminotEs, assurance chômage, apprentissage.
Robert Pelletier