CondamnéEs à des salaires de misère et à une vie de privations, les salariéEs du pôle logistique de l’entreprise Vertbaudet ont commencé une grève le 20 mars dernier pour réclamer des augmentations de salaire.
Symbolisant les effets désastreux de la financiarisation des entreprises, des politiques publiques de partage de la valeur et du management autoritaire, cette lutte a désormais acquis un écho national.
L’explosion de la colère face à des salaires de misère et à une vie de privations
L’enseigne de vêtements et de produits pour enfants Vertbaudet compte 75 magasins dans tout le pays et offre également un service de vente à distance. C’est dans le pôle logistique de l’entreprise, situé à Marquette-lez-Lille dans les Hauts-de-France, que les ouvrières grévistes (80 % des effectifs sont des femmes) emballent et préparent les colis à une cadence épuisante et des horaires de travail difficiles. Malgré leur ancienneté et leur expertise, ces femmes sont presque toutes rémunérées au Smic ce qui, a fortiori dans un contexte de crise économique et d’inflation, ne leur permet pas de vivre dignement de leur travail. Certaines d’entre elles sont mères célibataires et n’arrivent plus à payer les nourrices et les centres aérés de leurs enfants. D’autres sont obligées de recourir au Secours populaire car leur petit salaire ne leur permet même pas de remplir le frigo.
La colère des ouvrières a explosé courant février début mars quand les syndicats majoritaires (FO et CFTC) ont signé des NAO (négociations annuelles obligatoires) qui prévoient 0 % d’augmentation pour les ouvrières, et cela dans un contexte où l’entreprise fait des bénéfices records et que ceux-ci sont annoncés aux salariéEs quelques jours après les négociations.
Des relations déshumanisantes et un management sexiste
Les salariées affirment que le changement de direction il y a un an et le contexte de crise économique ont été la goutte de trop. « Les directeurs des services ne connaissent même pas nos noms, pour eux nous sommes des matricules », nous explique une femme sur le piquet de grève. Une autre salariée ayant participé au mouvement de grève depuis le début nous raconte que la direction justifie les bas salaires en affirmant qu’ils sont calculés pour leur permettre de toucher les allocations de la CAF ! Les ouvrières sont convaincues que tant de mépris et de fermeture vis-à-vis de leurs revendications légitimes répond à une logique de domination de genre : « nous sommes encore ici car nous sommes des femmes, ils ne croyaient pas en notre capacité à tenir si longtemps ». Cela augmente la détermination des travailleuses. Elles savent qu’elles ne sont pas majoritaires et que la direction manipule les collègues qui n’ont pas adhéré à la grève. Mais elles sont aussi convaincues que leur combat est juste et qu’il ne sera plus possible de retourner en arrière. Les salariéEs se sont syndiquéEs et ont compris l’importance et le rôle de participer et construire les organisations de la classe ouvrière.
La répression policière subie sur le piquet de grève — leur campement a été violemment délogé et un mur en béton a été placé sur la zone qui avait été occupée par les grévistes — leur a permis de prendre conscience du rôle de l’État dans la protection de l’ordre social capitaliste.
L’apprentissage par la grève
Cette première grève a radicalement changé la vie de ces femmes et leur a donné le courage de s’organiser pour défendre leurs intérêts et ne plus subir. C’est la solidarité entre les collègues grévistes qui leur permet en effet de résister malgré des conditions de travail si dures. La grève a été une période d’apprentissage précieux : les ouvrières prennent conscience de leur rôle dans la production des richesses et de leur capacité à engager un rapport de forces avec le patronat. Une autre issue que la victoire n’est pas envisagée. Leur combat est désormais largement soutenu par leur syndicat, la CGT, à une échelle nationale. Lundi 22 mai, un rassemblement de quelques centaines de personnes a été organisé à Tourcoing avec la présence des ouvrières, des représentantEs de la gauche syndicale et politique et la participation du leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Le 24 mai, les ouvrières se sont rendues au siège de l’entreprise à Paris avec le soutien national de leur syndicat et de sa nouvelle secrétaire Sophie Binet.
Jusqu’à la victoire
Depuis quelques jours, de nouvelles négociations ont débuté. Les ouvrières demandent une augmentation de salaire de 150 euros, la reconnaissance des jours de grève et l’embauche des intérimaires. Elles refusent de s’appuyer sur des fausses solutions comme la prime de partage de la valeur et des autres primes ne leur permettant pas de cotiser pour la retraite et d’améliorer concrètement leurs conditions d’existence. Ce combat s’inscrit ainsi également dans le mouvement contre la réforme des retraites dont les effets sont d’ores et déjà visibles et inacceptables pour les travailleurs et les travailleuses.
La victoire des travailleuses de Vertbaudet pourrait donner de l’espoir et dynamiser cette séquence de luttes du mouvement ouvrier.
Pour soutenir les salariéEs de Vertbaudet, signez la pétition https ://chng.it/mcMgz8QLhj et donnez à la caisse de grève : https ://www.leetchi.com/fr/c/sou…