Publié le Mardi 29 septembre 2020 à 14h24.

Le bras de fer est engagé à Bridgestone

Après l’annonce, mercredi 16 septembre, de la fermeture de l'usine Bridgestone à Béthune et le licenciement sec de 863 salariéEs, le gouvernement peine à trouver une solution pour garantir un avenir au site industriel spécialisé dans les pneus. Quant aux soutiens aux Bridgestone, ils oscillent souvent entre opportunisme et chauvinisme...

« On ne vous laissera pas tomber », « On va discuter pied à pied avec les responsables pour les convaincre d'investir dans leur outil de travail », assène Jean Castex, grand architecte du plan de relance de 100 milliards d'euros du gouvernement pour faire face à la crise économique, qui ne mâche pas ses mots devant les deux salariés de Bridgestone présents sur le plateau de France 2. Pourtant, la réunion du lundi 21 septembre avec la direction du leader mondial des pneumatiques n'a pas porté ses fruits comme l'espérait le gouvernement. Les ministres du Travail et de l'Industrie se sont heurtées à un mur : la décision du groupe international de fermer le site de Béthune est « irrévocable ».

Les politiques néolibérales dans le viseur

Ce choix drastique, la direction de Bridgestone le justifie dans un communiqué par la perte de compétitivité du site de Béthune, usine la « moins performante parmi toutes les usines européennes de Bridgestone », victime d'une surproduction de pneus en Europe. L'État s'est quant à lui engagé à explorer toutes les pistes pour redresser la barre et trouver une solution pour le principal employeur de Béthune, faute de quoi la fermeture du site industriel est désormais actée pour avril 2021. Agnès Panier Runacher, ministre déléguée à l'Industrie, entend ainsi lancer une « contre-expertise » sur le site afin d'explorer les alternatives possibles à la fermeture définitive, qui décrédibiliserait le plan de relance de Jean Castex et, plus globalement, des décennies de politique néolibérales où les grandes entreprises sont appâtées par des primes, des abattements fiscaux et autres exonérations pour venir s'installer en France.

Les salariéEs de Bridgestone qui avaient refusé en mai 2019 un plan de baisse des salaires et un accord de performance collective concocté par la direction feraient-ils et elles les frais d'une vengeance patronale ? Possible. Mais ils font surtout les frais d'une politique concurrentielle orchestrée par les capitalistes eux-mêmes et les gouvernements qui les soutiennent. Rien que sur les dernières années, le groupe japonais a pu bénéficier d'aides conséquentes venues du CICE, de l'Europe ou encore de la région pour maintenir son activité. Maintenant que les aides ne suffisent plus, elle plie bagage et laisse sur le carreau les salariéEs, quoi qu'elle en dise et quels que soient les quelques départs en retraite anticipée ou reclassements envisagés par la direction.

Opportunisme et chauvinisme

Du côté des soutiens régionaux, les salariéEs de Bridgestone sont appuyés par Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, et par Fabien Roussel, premier secrétaire du PCF, député du Nord et originaire de Béthune. Deux lignes s'affrontent à travers les deux hommes mais qui, dans les deux cas, laissent un arrière-goût d'inconséquence. Xavier Bertrand, ancien Républicain et pas le dernier pour faire appliquer les réformes néolibérales, semble avoir découvert l'existence du capitalisme ces derniers mois. De la manifestation à MCA Maubeuge en mai dernier pour protester contre la volonté de Renault de fermer le site employant 4500 salariéEs à l'usine Bridgestone de Béthune, l'ancien secrétaire général de l'UMP est sur tous les fronts pour défendre les ouvriers... et se placer en défenseur des plus faibles pour parfaire son image de présidentiable.

De son côté, Fabien Roussel fustige l'Europe et use d'une rhétorique nationaliste nauséabonde pour défendre les Bridgestone. « Face au cynisme de Bridgestone, la France doit se faire respecter ! » affirme-t-il dans une déclaration sur le site du PCF dans laquelle il critique la « concurrence déloyale » que la direction de Bridgestone a elle-même orchestrée entre ses sites et qui le conduit à mettre en accusation les sites en Pologne et en Hongrie. Dénonçant un « scandale industriel, social et écologique » du seul point de vue français, il s'illustre en parfait chauvin et en appelle uniquement au remboursement des aides européennes.

Tsunami social

Le tsunami social qui risque de toucher Béthune si le site de Bridgestone vient à fermer serait catastrophique. Outre les 863 salariéEs, ce sont plusieurs milliers de sous-traitants qui seraient directement impactés par la fermeture de l'usine et qui feraient les frais de la décision de la direction japonaise du groupe et de la politique du gouvernement.

La crise que les Bridgestone sont en train de vivre n’est pas une fatalité mais elle est la conséquence de la faillite des politiques néolibérales ayant financé sans contrepartie les gros groupes industriels avec la promesse, toujours trahie, de développement de l’emploi. Face à cette situation, les salariéEs doivent exiger l'interdiction totale des licenciements et l'expropriation pure et simple de l'outil de travail pour reprendre en main leurs propres affaires et ne pas les laisser aux vrais responsables de ce désastre social.