Publié le Vendredi 22 mars 2019 à 13h17.

L’industrie automobile : toujours plus de profits et toujours moins d’emplois

La chute de la production d’automobiles et des effectifs salariés qui s’observe en France depuis le début du siècle est violente. Elle est déconnectée des difficultés qui affectent l’usage de l’automobile. En effet, les ventes d’automobiles neuves y sont restées à un niveau globalement stable depuis l’an 2000, et le parc des automobiles en circulation, celles à l’origine de la pollution et des émanations de CO2, n’a cessé d’augmenter.

La production d’automobiles a baissé d’un tiers en France entre 2000 et 2017, passant de 3 500 000 véhicules à 2 230 000. C’est une particularité française (et italienne) : elle est restée stable en Allemagne autour de 5 500 000, en Grande-Bretagne autour de 1 750 000, et en Espagne autour de 2 900 000 véhicules. Les salaires prétendument trop élevés des ouvriers français de l’automobile n’en sont pas la cause, car leurs niveaux tendent à être égaux à ceux de l’Allemagne.

Une internationalisation élargie de la production européenne

Alors que la Chine est devenue le premier pays automobile du monde en termes de production, celle-ci, largement contrôlée par les groupes mondialisés, est aujourd’hui principalement destinée aux ventes dans le pays. En fait, l’industrie automobile organise la mondialisation de sa production autour de zones géographiques. Pour Renault et PSA, il existe un système industriel européen élargi à la périphérie sud et est du continent. Ainsi, toutes les petites et moyennes voitures Renault sont produites en Espagne, Slovénie, Turquie, Roumanie et Maroc. PSA se « contente » de fabriquer ses plus petites voitures en Slovaquie et en Espagne. Le terme de « délocalisation », s’il s’applique bien sûr à une usine ou des machines déménagées, ne rend pas compte de cette internationalisation. La concurrence suscitée y est générale entre usines. Force est de constater que les baisses de production automobile ont été les plus importantes en France et en Italie, là où les luttes ouvrières avaient été les plus intenses au cours du siècle dernier. La vengeance patronale est un plat qui se mange froid. Ghosn chez Renault n’a fait qu’amplifier cette politique enracinée dans la ­dynamique du capitalisme français.

Le démembrement de la force de travail

Aujourd’hui, près 70 % du coût de fabrication d’une voiture provient d’achats effectués auprès d’équipementiers et de fournisseurs, contre 50 % il y a dix ans. Nouveauté de cette dernière décennie, des firmes aux capitaux d’origine française comme Valéo, Faurecia (filiale de PSA) ou Plastic Omnium, devenus des acteurs dans la mondialisation du secteur, génèrent des profits, évalués par leur marge opérationnelle, aux taux parfois supérieurs à ceux de Renault ou PSA. Cette croissance a fragilisé les petits et moyens sous-­traitants, entraînant la fermeture de nombre d’entre eux, étranglés par les donneurs d’ordre de la filière.

Le démembrement de la force de travail s’applique jusque dans les ateliers de chaque usine. La part des intérimaires sur une chaîne de production peut dépasser 80 % des salariéEs, brisant les collectifs de travail et de lutte.

Le cumul de tous ces facteurs explique la chute des effectifs salariés de la filière, particulièrement chez les constructeurs automobiles. Ainsi, les effectifs salariés de Renault, qui dépassaient les 100 000 en France en 1980, étaient de 45 000 en 2000 et autour de 30 000 aujourd’hui. Ceux des usines d’assemblage sont passés de 25 000 en 2000 à 12 000 aujourd’hui. Et pendant ce temps, grâce à cette politique, Renault et PSA sont devenus au cours de l’année 2018 plus rentables que le champion européen Volkswagen.

Avant les véhicules électriques 

Le mode de production capitaliste ne connaît que l’instabilité sous les coups de la concurrence et de la recherche de profit. Le savoir-faire ouvrier acquis à l’atelier n’est qu’archaïsme, bousculé par les spécialistes des méthodes et gestionnaires « cost killers ». L’industrie automobile est aujourd’hui au seuil de nouveaux changements. La crise du diesel menace au moins 35 000 emplois en France, avec des menaces précises sur l’usine de Bosch à Rodez – de la taille de Ford Blanquefort. Les firmes automobiles investissent, partout dans le monde, dans le véhicule électrique, alors que le président de Volkswagen a annoncé que la fabrication d’un véhicule électrique nécessitait 30 % de travail en moins. C’est là que va se déployer leur nouvelle concurrence à l’échelle du monde. General Motors et Ford s’y préparent, en abandonnant l’Europe, tout en conservant au passage subventions et profits accumulés, et en supprimant 14 000 postes de travail en Amérique du Nord pour GM. D’un point de vue écologique, ce n’est que du green washing sans effet positif pour le climat, mais ce sera le motif à de nouvelles vraies restructurations pour préserver et la voiture individuelle et les profits de cette industrie.

Jean-Claude Vessilier