« Les accords n’étaient pas bons, les reclassements pour nous ne sont pas bons, puisque nous sommes tous licenciés et qu’il n’y a aucun reclassement », déclarait un des 2 800 salariéEs licenciéEs à France 2. Pour un autre, « il faut absolument dénoncer auprès de la fédération CFDT les choses qui ne vont pas. C’est inadmissible et franchement, le feu, on le mettra, on ne mourra pas comme ça ».
Le transporteur Mory Ducros, numéro 2 du transport de colis français est placé en redressement judiciaire depuis le 26 novembre. L’entreprise appartient à Arcole industrie spécialiste de la reprise et du redressement des PME en difficulté. Le groupe fait rouler chaque jour quelques 4 500 semi-remorques et camionnettes. Mory Ducros aurait enregistré 65 millions d’euros de pertes en 2012, 79,5 millions lors de son dernier exercice pour un chiffre d’affaires de 765,5 millions d’euros et continuerait de perdre 5 millions d’euros par mois. Entre 2007 et 2012, les défaillances de transporteurs routiers ont augmenté de plus de 27 %, selon les chiffres officiels de la Fédération nationale des transports routiers. Le transport de colis a vu le rachat de nombreux géants du secteur, dont le français Sernam, acquis par Geodis (branche de la SNCF) et Kiala, par l’américain UPS.
Un gouvernement aux petits soinsPour Montebourg, Mory Ducros fait partie des entreprises qui pourraient être aidées par le nouveau fonds de « résistance économique » du gouvernement, comme Fagor Brandt, Arc International ou Kem One, à la condition d’avoir un projet de reprise solide. Doté de 380 millions d’euros, ce fonds doit octroyer des prêts de « plusieurs dizaines de millions d’euros », à des entreprises temporairement à court d’argent mais dont l’activité est rentable à moyen et long terme. De son côté, le Premier ministre déclarait que le gouvernement rechercherait « toutes les solutions, site par site, avec les partenaires sociaux », tandis que le ministre des Transports assurait que l’État travaillerait au « maintien d’un niveau d’activité sur l’entreprise qui doit se traduire par la perspective du sauvetage de 2 000 emplois au moins ». Le président d’Arcole Industries, actionnaire principal du transporteur, se disait prêt « à participer à une offre de reprise partielle aux cotés de partenaires et avec le soutien des pouvoirs publics, afin de constituer un réseau de messagerie viable dans la durée ».
Qui préfère démobiliser les salariéEsLe 29 janvier alors que les salariéEs sont en grève sur la plupart des sites et notamment sur le site stratégique (et non touché par les fermetures programmées) d’Artenay, près d’Orléans, Montebourg vient inciter fortement les salariéEs à céder au chantage de la direction qui met comme préalable à toute discussion, la fin de la grève. La CGT, deuxième organisation dans l’entreprise, tout en validant un accord de fin de conflit, exclut d’approuver le plan de reprise. La CFDT de l’entreprise, poussée par les salariéEs est sur la même position. L’accord qui a reçu l’aval de FO, la CFTC et la CFE-CGC, reste minoritaire. Mais cela suffit pour qu’Arcole accepte de poursuivre les discussions. Et nouveau coup de théâtre : la fédération CFDT des transports désavoue son délégué syndical et valide le plan de reprise.
Un massacre socialJeudi 6 février, le tribunal de commerce de Pontoise validait l’offre de reprise d’Arcole. Le principal actionnaire du groupe a prévu de conserver 2 210 salariéEs sur 5 000 et 50 agences sur 85. L’entreprise revoit le plan social « à la hausse » pour les licenciEés, avec des indemnités complémentaires dont le montant global est porté de 21 à 30 millions d’euros. Les 2 850 salariés qui perdront leur emploi vont « bénéficier » du contrat de sécurisation professionnelle, avec l’assurance de 97 % du salaire pendant un an, et d’une bourse à l’emploi alimentée par les entreprises du secteur.
Robert Pelletier