Manque de dialogue social, augmentations trop faibles, remise en cause du télétravail et conditions de travail qui se dégradent : rencontre avec les salariéEs d’Ubisoft en grève ces 15, 16 et 17 octobre dernier.
Iels étaient une quarantaine le mardi 15 octobre devant le studio d’Ubisoft Montpellier. AppeléEs par le STJV (Syndicat des travailleurEs du jeu vidéo), les salariéEs d’Ubisoft se sont miSEs en grève pour trois jours dans toute la France contre la remise en cause d’un accord sur le télétravail, montant la présence au studio trois jours par semaine (contre deux actuellement). Mais la question du télétravail n’est que l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Clément Montigny, délégué syndical STJV, dénonce un climat délétère chez Ubisoft depuis des années, principalement dû à un manque de dialogue entre la direction et ses salariéEs, mais aussi à cause d’augmentations de salaires trop faibles par rapport à l’inflation : « Il y a un simulacre de dialogue social à Ubisoft depuis des années. Mais nous, ce qu’on veut, c’est un véritable échange sur nos conditions de travail avec la direction. Pas qu’elle continue comme elle le fait bien trop souvent, depuis des années, des décennies, à décider tout toute seule sans consulter les salariéEs ».
Déjà en grève en février
La colère était déjà montée chez Ubisoft en février dernier. « On sortait de deux mois d’une négo salariale calamiteuse, désastreuse, abominable, raconte Clément au mégaphone sur le piquet, où on avait fait face à une direction qui refusait de distribuer une véritable enveloppe d’augmentation qui permettrait aux salariéEs de cette boîte de faire face à l’inflation record de ces deux dernières années ». Ubisoft préférait distribuer des augmentations individuelles, de façon discrétionnaire. Et à qui, sur quels critères ? On ne sait pas. La mobilisation avait rassemblé 700 personnes dans toute la France.
Le secteur du jeu vidéo n’est pas habitué à de telles mobilisations alors, quand le STJV a de nouveau appelé à la grève pour ces 15, 16 et 17 octobre, la direction a pris peur et les a immédiatement invités à la table des négociations.
Une grève très suivie
Menée par le STJV, cette nouvelle grève est également très suivie par des salariéEs qui ne sont pas syndiquéEs. C’est le cas d’Erwan, coordinateur de projet et producteur, qui dénonce des conditions de travail qui se dégradent : « Il y a des collègues qui sont en burn out, il y a des personnes à risque, il y a plein de problèmes qui sont connus dans l’entreprise qui ne sont pas traités ».
C’est également le cas de Jade, QA analyst en CDD, qui raconte ses difficultés dans le studio. « C’est relativement difficile de se faire entendre en tant que CDD. J’en vois pas mal autour de moi, des contrats précaires qui ne sont pas renouvelés. Alors que ce sont des éléments clé des équipes, malgré les dialogues des managers, ils décident de ne pas les garder en contrat stable. Alors qu’avec les grands projets de jeux vidéo sur lesquels on travaille en ce moment, faire entrer quelqu’un dans une équipe c’est des semaines et des mois pour l’intégrer, pour qu’elle soit à l’aise et comprenne les outils. En tant que QA analyst, il faut une connaissance de tous les outils qui sont nécessaires pour le projet. »
Inégalités salariales de genre
Cette grève est aussi l’occasion de parler des inégalités salariales de genre au sein du studio. S’il faut remonter loin pour trouver une femme parmi les personnes les mieux payées d’Ubisoft, les différences salariales entre les femmes et les hommes se comptent en milliers dans l’année. « On constate un décrochage massif des salaires à partir de dix ans d’ancienneté à Ubisoft entre les hommes et les femmes. Et si, à poste égal, ça reste à peu près correct, par contre, il y a quand même un décrochage, il me semble, entre les 10 000 euros annuels. Et il est justifié par le fait que les femmes sont à des postes de responsabilité plus bas que les hommes. Pourquoi, comment ? », interroge Clément.
Ces 15, 16 et 17 octobre derniers, les salariéEs d’Ubisoft étaient 180 en grève à Montpellier et plus de 1000 dans toute la France, faisant de cette grève la plus grande grève du studio et de l’industrie du jeu vidéo, battant le record précédemment détenu par… le STJV, chez Ubisoft en février dernier !
Anaïs, Killian et Florian (JA Montpellier)