Le week-end dernier, du vendredi 2 au dimanche 4 décembre, les contrôleurEs de la SNCF ont fait parlé d’eux dans tous les grands médias. Et pour cause, ils ont déclenché un mouvement national de grève très largement suivi, qui a paralysé une bonne partie du trafic ferroviaire.
Jeudi, boulot à 15 h 43. Vendredi, boulot à 18 h 45. Samedi, boulot à 17 h 45, en découché pendant le week-end, loin de chez soi pour reprendre le dimanche à 8 h 17. Lundi, boulot à 5 h 55. Et enfin les deux repos bien mérités, qui tombent un mardi et un mercredi... La semaine de travail d’un agent du service commercial train (ASCT), autrement dit les contrôleurEs, ne fait pas rêver. Les horaires n’y sont même plus « postés » mais tout simplement sens dessus dessous. Ils sont 9 000 cheminotEs environ à suivre ce rythme de travail, avec un salaire d’embauche à 1 600 euros et toujours plus de tâches à accomplir.
Les usagerEs ne les voient souvent que comme les « contrôleurEs » qui mettent à l’amende. C’est pourtant tout un métier qui s’accompagne de multiples tâches de sécurité nécessaire à la circulation. Un métier avec lequel la direction de la SNCF voudrait justement en finir, en transformant les « ASCT » en simple machine à lutter contre la « fraude ». Ou tout simplement en les supprimant des trains, ces derniers n’ayant plus à leur bord que le conducteurE, chargé de se débrouiller seul en cas de problème. Tout comme les usagerEs, qui pourront poser leurs questions... aux bornes automatiques de vente des billets ! À condition qu’elles soient en état de marche !
Coup de pied dans la fourmilière pour 350 euros de plus
La direction n’avait pas vu le coup venir, de l’aveu même de J-P Farandou, PDG de la SNCF. Du haut de sa tour d’ivoire, il doit être facile d’ignorer la colère du personnel d’en bas. Du moins tant que celle-ci ne se transforme pas en un mouvement de grève puissant et très suivi comme ce fut le cas ce week-end. Les négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires devaient s’engager comme de tranquilles discussions de fin d’année... avant d’aller manger la dinde de Noël. Pas de bol, les travailleurEs du rail en ont ras-le-bol ! Et la prochaine étape prévue serait un nouveau week-end de grève à la fin de l’année.
Cette grève des ASCT marque le coup. Par son succès évidemment, qui l’a rendue visible dans tous le pays. Mais aussi par ses revendications. Les grévistes demandent à porter leur « prime de travail » (une prime spécifique à la SNCF, en fait une partie du salaire fixe) de 350 euros par mois à... 700 euros ! Une augmentation de 350 euros, c’est-à-dire de 100 % de ladite prime. On imagine bien Farandou s’arracher les cheveux, lui qui n’avait concédé qu’un ridicule + 1,4 % d’augmentation en juillet dernier, après huit ans de gel des salaires.
Ensemble, on va plus loin
Ce mouvement de grève a été organisé par un collectif national ASCT (CNA), qui s’est constitué en toute indépendance des directions syndicales. De quoi rajouter des sueurs froides aux dirigeants de la SNCF et des syndicats, qui n’aiment pas que les mobilisations sortent du cadre bien établi par le dialogue social.
Certains commentateurs de presse ont même été jusqu’à qualifier ce CNA des « Gilets jaunes de la SNCF ».
Loin s’en faut pourtant ! Le mouvement des Gilets jaunes était marqué par sa volonté de se mélanger, exploitéEs de toutes entreprises et de tous horizons. Au contraire, le CNA revendique et assume son caractère corporatiste. Il veut se battre pour les ASCT uniquement et, pour le moment du moins, n’entend pas que ça change. Une erreur indéniable, tant il est évident que la colère et les revendications des grévistes ASCT sont communes à tous les cheminotEs, pour ne pas parler du reste des travailleurEs du pays. C’est d’ailleurs vers tous ces autres collègues que ce mouvement pourrait trouver une perspective pour étendre le rapport de forces et contraindre la direction à céder. À l’heure où nous écrivons, le CNA et les syndicats SUD et CFDT, qui ont fait le choix de le rejoindre, seront reçus le jeudi 8 décembre par la direction pour de nouvelles négociations.
Cette nouvelle grève des travailleurEs de la SNCF s’ajoute aux précédentes et à toutes celles en cours pour des augmentations salariales, dans le public comme dans le privé.
Elle vient aussi mettre en lumière à quel point la situation du transport de voyageurs est aujourd’hui dégradée. Trop cher pour la population, avec des effectifs salariés largement insuffisants et sous-payés, une maintenance défaillante du réseau qui occasionne retards et suppressions de train … La liste du réquisitoire est longue !
Le train gratuit, un service du public et géré par les cheminotEs et les usagerEs, voilà l’avenir. Pour cela, il faudra en finir avec sa gestion capitaliste qui n’en fait qu’une machine à profits, à l’image de toute cette société.
Correspondants secteur transports