Jean Castex vient d’arriver à la tête de la RATP dans un contexte tendu. Les salariéEs dénoncent des conditions de travail qui empirent et des salaires trop bas, sur fond d’ouverture à la concurrence. Et les centaines de milliers d’usagerEs subissent cette galère, parfois plusieurs fois par jour : attente interminable des bus, métros bondés ou RER supprimés…
Le sous-dimensionnement du réseau n’est pas nouveau, mais l’offre de transport a été réduite sur tous les métros et les bus. Alors qu’elle avoisinait 100 % du maximum il y a trois ans, elle oscille aujourd’hui entre 70 % et 80 % seulement. Pourtant la demande de transports publics ne cesse de s’accroître. Pire : le forfait mensuel du Pass Navigo risque de passer de 75 à 90 euros en janvier prochain. Alors la faute à qui, ou à quoi ?
L’ouverture à la concurrence et ses conséquences
La situation actuelle n’est qu’un avant-goût de ce qui se prépare avec l’ouverture à la concurrence, c’est-à-dire la délégation des activités de la RATP à des entreprises chargées de l’exploitation ou la maintenance d’une partie du réseau.
Île-de-France Mobilités (IDFM), qui gère les transports franciliens, a commencé à répartir ses lignes en différents lots qui seront soumis à des appels d’offres pour des contrats de plusieurs années. Tous les secteurs de la RATP sont concernés, mais avec un calendrier progressif : 2025 pour les lignes de bus de Paris et de la petite couronne puis autour de 2040 pour les métros et tramways.
Commencée dès 2021 avec les bus de grande banlieue parisienne, cette stratégie avait provoqué une vague de grèves, notamment chez les conducteurEs de Transdev. Les patrons reportaient la responsabilité sur la région, dont l’appel d’offres les aurait amenés à rogner sur les conditions de travail pour augmenter la productivité.
Les entreprises qui vont se partager les contrats d’exploitation des morceaux de la RATP seront surtout des entreprises « publiques » (majoritairement possédées par l’État), mais dont les salariéEs ont des contrats de droit privé. Les trois grands groupes qui se disputent le marché sont Keolis, une filiale de la SNCF, Transdev qui appartient à la Caisse des dépôts et RATPDev, une filiale de la Régie parisienne qui exploite ainsi des lignes et des salariéEs aux quatre coins du monde.
Plus que de « privatiser » la RATP, cette ouverture à la concurrence (ou plutôt à ces 3 grands trusts) vise surtout à niveler vers le bas les conditions de travail et les salaires.
En effet, si les salariéEs ne vont pas changer de métier avec l’ouverture à la concurrence, certains vont changer de boîte… et de conditions de travail, car celles-ci vont être « harmonisées » entre les entreprises. Une lourde menace pour les quelque 30 000 « opérateurs » de la RATP (conducteurEs, mainteneurEs, contrôleurEs…) dont les conditions de travail étaient jusqu’ici plutôt meilleures qu’ailleurs, notamment grâce au « statut » des agentEs — même si certainEs embauchéEs n’ont qu’un simple CDI. Autrement dit, la RATP va provoquer sa propre concurrence, notamment par sa filiale RATPDev, dont les salariéEs seront moins bien lotis que les agentEs au statut. Même ceux-ci seront impactés.
Les plus de 15 000 conducteurEs de bus du réseau viennent d’en faire l’expérience avec l’instauration cet été d’un « Cadre social territorialisé », une sorte de convention collective qui allonge la durée de travail quotidienne de 50 minutes (en échange d’une prime de 260 euros… par an !). Il se traduit aussi par la multiplication des services en deux fois : les conducteurEs roulent quelques heures le matin, ont une longue coupure puis reprennent l’après-midi, ce qui leur rend la vie impossible, sans parler des bas salaires.
Macron fanfaronne sur de nouveaux projets de RER, mais il aurait déjà fallu anticiper les nombreux départs à la retraite chez les conducteurEs de bus, qui causent l’actuelle pénurie de main-d’œuvre. Pas de machiniste, pas de service… Mais plutôt que d’augmenter les salaires pour embaucher les effectifs qui manquent, la direction vient d’instaurer une honteuse « prime de présence » d’un montant de 450 euros brut sur trois mois, qui saute à la moindre absence (enfant malade, accident du travail et bien sûr… grève). Cela ne dissuadera pas les salariéEs de se mobiliser pour autant...
Les salariéEs n’ont pas dit leur dernier mot
En première ligne face à la colère des usagerEs, les salariéEs de la RATP l’étaient aussi lors des journées de grève sur les salaires. Malgré les divisions corporatistes et les négociations stériles des directions syndicales, la colère monte. Notamment dans les ateliers de la maintenance où plus de 3 000 ouvriers entretiennent bus, métros, RER et tramways. Ils sont parmi les plus bas salaires de la RATP (1 300 euros de base à l’embauche, plus des primes variables) et revendiquent 300 euros mensuels d’augmentation avec l’intégration des primes dans le salaire, pour qu’elles comptent dans le calcul des pensions de retraite). Depuis le 18 octobre, les débrayages d’une heure par jour se propagent à de nombreux ateliers : Vaugirard, Sucy, Saint-Fargeau, Choisy, Saint-Ouen… Ils étaient encore 400 rassembléEs ce lundi 28 novembre à la maison de la RATP pour interpeller Castex. Pas encore de quoi le faire plier mais peut-être la préparation d’une vraie grève. L’ouverture à la concurrence ne fait que commencer, et les salariéEs de la RATP ne vont pas laisser les patrons dérouler leur plan sans réaction.