Publié le Mardi 14 décembre 2021 à 17h45.

Usine Arkéma (Marseille) : face à l’appétit des actionnaires, la seule réponse est le rapport de forces

Rémi est opérateur de fabrication à l’usine Arkéma, dans le 11e arrondissement de Marseille depuis 2006. Il est délégué syndical CGT.

Peux tu nous dire d’abord ce que produit l’usine Arkéma de Marseille ?

C’est une usine classée Seveso de la filière chimie organique (la matière première est l’huile de ricin — à ne pas confondre avec la pétrochimie) qui produit ce que l’on appelle le monomère, qui est la matière première servant à la fabrication des plastiques ayant pour propriété, la résistance aux hautes pressions et hautes températures.

Vous êtes en grève depuis ce 9 décembre, quelles sont les raisons de ce mouvement ?

La période actuelle est celle des NAO (négociations annuelles obligatoires) sur les salaires.

Vu ce qui nous a été demandé l’an dernier et depuis, à cause de la crise sanitaire. Beaucoup d’efforts nous ont été demandés avec des horaires très lourds, et il y avait une forte attente chez les salariés, surtout compte tenu des conditions de vie actuelles avec une forte hausse des prix.

C’est vrai que cette situation ne touche pas beaucoup les actionnaires du groupe, puisque ceux ci se sont attribué des dividendes en hausse de 30 centimes, l’action passant de 2,20 euros en 2019 à 2,50 euros en 2020.

Vu comme ça, ça peut paraître minime, mais il faut savoir que pour un actionnaire qui possède 1000 actions (et ils sont quelques uns comme ça !), cette « petite hausse » veut dire 300 euros de plus chaque mois dans sa poche.

Le groupe a ainsi distribué plus de dividendes cette année que l’année dernière… pendant qu’on nous demande de faire des efforts et d’accepter des aumônes.

Le « dialogue social »  que l’entreprise voulait donner en exemple, celui ci est bel et bien en panne.

En 2019, la CGT avait déposé 12 préavis de grève. En 2020 pas un seul ! C’est dire combien on a fait ces fameux « efforts »… et combien ils nous ont baladés.

Le résultat des NAO a donc été une véritable gifle pour les salariés qui ont décidé, à l’appel de la CGT, une grève reconductible.

Ce mouvement touche d’ailleurs les 17 sites Arkéma en France.

À Marseille, pour la première fois depuis longtemps, il y a eu 100% de grévistes dans l’équipe du matin (5h-12h), dans l’équipe de l’après-midi (12h-20h) et l’équipe de nuit (20h-5h). La grève a été reconduite pour le lendemain.

Une AG quotidienne décidera de la reconduction… et a d’ores et déjà décidé de reconduire jusqu’au lundi 13 décembre à midi.`

Quel est le rapport de forces syndical dans l’usine ?

La CGT représente 60% du personnel, et CFDT et CGC comptent à peu près chacun pour 20%, avec une légère avance de la CGC.

Cette présence de la CGT est aussi le résultat de notre ligne de conduite qui est que seul le rapport de force peut faire bouger les choses. Et pour nous, comme on dit, c’est « fermer le robinet », toucher les actionnaires au portefeuille.

Comment est ce que tu vois personnellement, la situation sociale actuelle avec cette offensive généralisée du patronat ?

Notre syndicat essaie de fonctionner au mieux avec l’union Locale des 11-12e arrondissements, pour surtout ne pas s’enfermer les uns, les autres. Nous avons aussi des rapports étroits avec l’UD 13 et l’UR PACA.

La semaine dernière a eu lieu un comité départemental CGT et deux camarades y étaient délégués. Ce qui en ressort c’est que nous sommes tout à fait en phase avec la ligne de la CGT 13 qui a fait ce choix de la lutte et du rapport de forces. Nous pensons que la direction confédérale devrait s’en inspirer.

Face à un adversaire qui durcit le ton, la CGT doit le durcir encore plus. Ce n’est qu’à ce prix qu’on pourra les faire reculer et gagner.

Propos recueillis par Jean-Marie Battini