Le 2 novembre, Ahou Daryaei, étudiante à l’université islamique Azad de Téhéran a été arrêtée. Les témoignages recueillis attestent qu’un peu plus tôt, la milice islamique Basij, l’a prise à partie pour sa tenue vestimentaire (port « non conforme » du Hijab) et a déchiré ses vêtements.
Pour protester, l’étudiante s’est alors déshabillée et, en sous-vêtements, a marché et s’est assise jusqu’à son arrestation. Son acte de protestation a été filmé et des vidéos ont circulé rapidement en Iran et dans le monde entier.
Selon un communiqué de l’ambassade iranienne à Paris, il s’agirait d’une « affaire d’ordre privé » : « L'étudiante en question souffre d'une fragilité psychologique et a été transférée en ambulance des services d'urgence sociale à un centre de soins spécialisés ».
Psychiatrisation de la révolte
La psychiatrisation d’actes de révolte des femmes qui ne supportent pas l’ordre patriarcal que leur impose l’État iranien et l’enfermement dans un établissement psychiatrique présente pour le pouvoir des mollahs un double avantage. Il enlève à l’acte de protestation toute signification en le transformant en « trouble mental ».
Il donne au pouvoir la possibilité d’imposer, sans procès ni jugement, une privation indéfinie de liberté. Sous couvert de « soins », ces « malades » peuvent être soumises, en toute discrétion à des persécutions et traitements dégradants et destructeurs. C’est seulement quand la « science » psychiatrique, sous influence, en décidera que la « patiente » pourra recouvrer la liberté, si elle n’a pas été anéantie par les traitements subis et l’enfermement.
Les syndicats du secteur de la psychiatrie mobilisés
Dans un communiqué le Printemps de la psychiatrie et l’Union syndicale de la Psychiatrie (USP), le syndicat des psychiatres hospitaliers (SPH), le Collectif des 39, Le point de Capiton, la revue Pratiques, Le Fil Conducteur Psy ; la Criée, rappellent que « la violence qui s’exerce quotidiennement contre les femmes, au nom d’un pouvoir masculin institué n’est malheureusement pas nouvelle. Des femmes et des hommes qui sont entréEs en dissidence en ont payé le prix fort, leur vie. D’autres sont déclaréEs fous/folles ou possédéEs ». Ces organisations demandent « la libération immédiate d’Ahou Daryaei et de toutes les personnes internées de façon abusive, au moyen d’une instrumentalisation répressive de la psychiatrie ». Le 5 novembre a eu lieu à Paris un premier rassemblement en soutien à Ahou Daryaei.
Sa « folie » est d’oser se dresser face à un régime obscurantiste et impitoyable pour défendre les droits, la dignité et la liberté des femmes. Cette « folie », celle des exploitéEs et des oppriméEs qui relèvent la tête et refusent de subir, mérite respect, admiration et soutien.
L’exigence de l’arrêt immédiat de l’internement d’Ahou Daryaei, accompagnée du refus de toute autre forme de privation de liberté ou de sanction doit s’amplifier. Elle s’inscrit dans le combat des femmes iraniennes « Femme, Vie, Liberté » qui se poursuit malgré la répression depuis l’assassinat de Masha Amini.
J.C. Delavigne