Publié le Jeudi 21 juillet 2022 à 23h50.

Le coup d’État de la droite à la Cour suprême

L’annulation officielle de l’arrêt Roe v. Wade a été annoncée le 24 juin. Il n’a pas fallu une émeute de nationalistes blancs, envahissant le Capitole à l’instigation de Donald Trump, pour faire des trous énormes dans les droits constitutionnels établis de longue date aux États-Unis. Là où un assaut frontal avait échoué, une manœuvre de la droite a réussi – un coup d’État pseudo-constitutionnel flagrant par la Cour.

L’annulation de Roe v. Wade ne déclare pas seulement la guerre aux corps et aux droits des femmes. Cela remet en cause tous les droits fondamentaux qui découlent du quatorzième amendement et du principe élémentaire de respect de la vie privée – le mariage homosexuel ou interracial, les droits des LGBT, et même la contraception. La destruction des droits reproductifs et de la démocratie de base est un tout indissociable.

Ce n’est pas une coïncidence si les lois anti-avortement les plus agressives prolifèrent dans les États où les taux de mortalité maternelle et infantile sont déjà les plus élevés. Ce n’est pas non plus une coïncidence si les politiciens anti-avortement les plus vicieux sont aussi les ennemis les plus virulents de la réparation du système de santé publique, dont l’état lamentable a coûté des centaines de milliers de vies pendant la pandémie de Covid.

Ce comportement est tout à fait logique pour une droite misogyne et raciste qui ne se soucie du « caractère sacré de la vie » qu’avant la naissance. Mais la brutalité de cette logique intensifie le niveau d’indignation publique autour de l’annulation de Roe. Cela peut aussi influer sur la rapidité avec laquelle certains États agiront pour protéger l’avortement et d’autres droits reproductifs, et sur le Parti démocrate au niveau fédéral : prendra-t-il ou pas suffisamment d’assurance pour défendre les droits des femmes autrement que verbalement ?

Ce serait beaucoup trop espérer que Joe Biden utilise le pouvoir présidentiel pour ordonner que des services d’avortement soient fournis dans les hôpitaux militaires américains, ou même annoncer des nominations pour élargir la Cour suprême afin de rétablir l’avortement et le droit de vote. Il est illusoire et énervant, plutôt qu’énergisant, de rêver à de tels miracles.

Mais il y a d’âpres combats imminents que le gouvernement fédéral ne pourra pas éviter. Les gouvernements des États où l’avortement est interdit chercheront, par exemple, à criminaliser l’utilisation des pilules abortives autorisées par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), ainsi que les conseils par télémédecine qui sont devenus largement utilisés pendant la crise du Covid.

Puisque le gouvernement fédéral contrôle le commerce interétatique et la poste, il sera contraint de prendre position – ou d’être complice de la répression – sur les services médicaux essentiels. Cela devient encore plus important si et quand les États tentent de poursuivre les femmes enceintes, ou les personnes qui les assistent, pour s’être rendues dans d’autres États.

Sur un autre front, des signatures sont recueillies pour une initiative de vote – un peu plus de 425 000 sont nécessaires – afin de placer une disposition sur la liberté de reproduction dans la Constitution du Michigan. Ce référendum va au-delà d’une défense étroite de Roe pour couvrir une gamme complète de droits élargis à la contraception, aux soins pré et post-natals et à l’accouchement, ainsi qu’à la gestion des fausses couches. Cela est d’autant plus important que la mortalité maternelle et infantile, en particulier dans les communautés à faible revenu et de couleur, reste élevée.

Il n’est pas difficile d’imaginer les multiples niveaux de confrontation et de chaos qui peuvent résulter d’un renversement profondément impopulaire d’un droit fondamental que plus de deux générations de personnes aux États-Unis ont considéré comme un fait établi.

Pour la défense du droit à l’avortement en particulier, il ne s’agit pas de savoir s’il faut être « dans la rue » ou « au parlement » ou « dans les urnes » ou « par la désobéissance civile ». Nous devons être partout.

Le coup d’État de la droite a peut-être commencé par sa marche pour renverser Roe, mais il ne s’arrêtera absolument pas là.

 

* Extraits du texte original traduit par la IVe Internationale https://fourth.internati…