Publié le Vendredi 5 octobre 2012 à 12h44.

Perpignan Femmes immigrées victimes de violences, en lutte !

Entretien avec Badia, Djamila et Nadia, du « Collectif femmes immigrées victimes de violences 66 ».Vous pouvez vous présenter ?B. Nous sommes des femmes d’origine maghrébine, venues ici après avoir rencontré dans notre pays d’origine notre futur époux de nationalité française. Après quelque temps de vie de couple normale en France, tout s’est dégradé ; notre vie a plongé dans la violence de notre mari mais aussi parfois de toute sa famille. Pour moi ça a duré quatre ans.N. Moi je l’ai connu huit ans avant le mariage là-bas et vécu un enfer un an ici.B. Toutes, en nous rencontrant, on s’est aperçu que c’était la même histoire : l’homme avec qui nous pensions fonder une famille s’est révélé ivre du pouvoir que sa situation de Français lui donnait sur nous. La loi française nous livrait à sa merci ! Les coups et l’asservissement, ou la porte et le renvoi dans notre pays comme des chiennes !Que s’est-il passé après les violences que vous avez subies ?N. Badia et moi avons fui pour sauver notre vie, Djamila a été jetée à la rue. Dans l’isolement complet dans lequel nous maintenaient nos époux, on était complètement démunies face aux démarches à faire, à quelles portes frapper.B. Avec les lois racistes actuelles, notre droit au séjour en France est lié totalement à notre situation familiale et nous oblige à cinq ans de vie commune avérée au moins pour avoir une carte de séjour de dix ans. S’il y a rupture de vie commune avant, nous perdons nos droits au séjour. Au nom de la circulaire sur les « mariages gris » [instaurée par Sarkozy], sur simple déclaration de mon ex-époux pour « escroquerie aux sentiments » à la préfecture, on m’a retiré mon titre de séjour et mon droit au travail alors que j’étais près d’avoir un CDI ; et nous sommes menacées chaque jour de reconduite à la frontière !N. Comme femmes immigrées nous subissons une double peine : comme immigrées mariées à un Français on est immédiatement soupçonnées de vouloir frauder pour obtenir des papiers. Dans toutes les démarches que j’ai faites auprès de la police ou des tribunaux, ils ont donné systématiquement raison à mon ex-conjoint français. B. Comme femmes victimes de violences conjugales notre parole n’est pas entendue. Quand je suis porter plainte allée seule dans un commissariat, avec une ITT de 30 jours à la suite des violences que j’ai subies, au mieux le policier a bien voulu saisir une main courante et pas une plainte, alors qu’il n’a aucun droit pour décider de l’un ou de l’autre. Mais j’ai dû subir des remarques racistes du genre « Vous n’aviez pas assez d’hommes dans votre pays pour venir épouser un Français ? » Et jusqu’à ce jour mon ex-conjoint n’a jamais été inquiété.Quelle est votre situation aujourd’hui ?N. Malgré le soutien que nous avons reçu des services sociaux et des militantes d’association, aucune de nos démarches n’a abouti. La police, la justice et toutes les instances légales vers lesquelles nous nous sommes tournées nous ont adressé une fin de non-recevoir.D. Sans toit, sans possibilité de travailler, nous sommes considérées comme des criminelles et non comme des victimes. Nous vivons dans la peur de la police et du lendemain. Je ne dors plus…Pourquoi avoir créé ce collectif ?B. Après des mois d’isolement et de batailles juridiques inutiles car la loi française raciste n’a rien à faire de nos vies brisées, nous avons décidé de nous exprimer, de dénoncer collectivement l’injustice qui nous est faite et d’engager d’autres actions pour nous faire entendre. Nous luttons pour notre dignité. Nous refusons d’être renvoyées dans notre pays d’origine où nous subirions de plus le rejet de notre famille comme femme divorcée, c'est-à-dire rejetée par son époux tout puissant. N. Nous ne sommes pas des objets jetables ! Nous sommes ici, nous resterons ici ! Nous reconstruirons notre vie ici. Nous exigeons le droit de travailler et de vivre ici avec un statut indépendant de notre situation familiale. Et nous avons besoin de soutien pour gagner ce combat.

Propos recueillis par Josie BoucherContact : femmesenresistance66@gmail.com