Publié le Mercredi 9 juin 2010 à 22h28.

Troisième Marche mondiale des femmes : femmes en marche, femmes en lutte !

La création de la Marche mondiale des femmes a été suscitée par l’aggravation du système néolibéral  et tous les  problèmes qu’il engendre à travers le monde, aggravation accentuée par la récente crise économique et financière qui touche tout particulièrement la vie des femmes. L’impulsion est donnée en 1995 par une marche des femmes du Québec à Montréal : dès 1998, des femmes du monde entier réunies à Montréal décident d’organiser en l’an 2000 une Marche mondiale des femmes sur tous les continents et de dire la force des femmes organisées pour remodeler l’ordre social actuel qui engendre injustices, violences et pauvreté. La Marche 2000 s’est dirigée essentiellement vers les structures gouvernementales : une pétition mondiale qui a recueilli 5 millions de signatures a été remise à New York aux Nations unies.La Marche 2005 s’est prioritairement adressée aux femmes de la base : une Charte mondiale des femmes pour l’humanité a été adoptée et présentée le 17 octobre à Ouagadougou (Burkina Faso). La Marche 2010 est centrée sur  quatre thèmes : violences faites aux femmes, travail des femmes et autonomie, biens communs et services publics, paix et démilitarisation. Elle célèbre aussi le 100e anniversaire de la manifestation internationale du 8 mars et les 40 ans du féminisme. Sur tous les continents, de grands rassemblements célèbrent cette Marche :À Paris :- 12 juin : manifestation suivie d’une soirée festive.- 12 et 13 juin : ateliers et forums-débats autour des quatre thèmes, rencontre de jeunes féministes à la salle des fêtes de la mairie de Montreuil. À Istanbul, le 30 juin : rassemblement européen.Aux Philippines, en mai : rassemblement Asie-Océanie (lutte contre le libre échange, les bases militaires et le trafic des femmes).En Amérique du Sud, en août : actions et manifestations contre la guerre et pour la paix. En République démocratique du Congo : rassemblement mondial en octobre à Bukavu (Sud-Kivu) pour rendre visibles les violences qui s’abattent sur les femmes congolaises depuis quinze ans de guerre.La Marche sera clôturée le 17 octobre par une journée mondiale de solidarité.

Ce n’est pas aux femmes de payer la crise !

Dans le contexte de crise du capitalisme, défendre les droits des femmes est encore plus une nécessité. C’est pourquoi nous nous inscrivons dans les thèmes défendus par la Marche mondiale des femmes. Biens communs, biens publicsQuand le gouvernement s’attaque aux services publics (plan hôpital 2007, LRU, suppression de 80 000 postes en cinq ans dans l’Éducation nationale...) au nom de la survie du capitalisme et de l’allégeance aux marchés, il attaque chacun d’entre nous dans ses besoins vitaux (santé, éducation, transport, énergie...). Les femmes sont en première ligne lors de ce recul des services publics : en l’absence de services publics, ce sont souvent sur elles que l’on compte pour assurer les soins, l’éducation... Quand on baisse le taux d’encadrement en crèche pour faire des économies, que l’on supprime des postes d’enseignants, ce qui retombe sur les possibilités d’accueil en maternelle... les femmes sont attaquées. Tant qu’un service public de la petite enfance ne sera pas généralisé, tant que l’IVG ne sera pas libre, gratuite et accessible, tant que le service public n’assurera pas santé, éducation, transport, énergie... pour tous et toutes, les femmes seront en marche. Autonomie financière des femmesLa première condition de la libération des femmes est leur autonomie financière, seule garantie de pouvoir mener leur vie comme elles le désirent, sans dépendre d’une autre personne. En France, la fonction publique est le premier secteur qui embauche des femmes, même si cela se fait de plus en plus sous forme de contrat précaire. Supprimer des postes dans les fonctions publiques va concerner majoritairement des femmes. Par ailleurs, toutes les réformes qui affaiblissent les travailleurs (RSA, retraites, travail le dimanche...) affaiblissent les femmes en premier lieu, car sur le marché du travail elles sont majoritaires dans les contrats précaires, le temps partiel imposé, les pensions de retraite ridicules, le chômage... Contre les violences faites aux femmesUne femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups d’un conjoint ou d’un ex-conjoint. La lutte contre les violences faites aux femmes exige une réelle loi cadre qui mette en avant la prévention et l’accueil, accompagné d’un service public d’accueil des femmes victimes de violence. Il faudrait dans tous les départements des structures d’accueil et d’écoute immédiats, des lieux d’accompagnement à moyen et long terme (hébergement, soutien psychologique...). Pour cela il faut que l’État engage des moyens significatifs et renforce le soutien aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes, à l’encontre de la politique d’austérité imposée par le gouvernement. Paix et démilitarisationLes femmes paient le plus lourd tribut dans les conflits armés. Alors que tous les budgets sociaux sont touchés, les budgets militaires sont les seuls qui ne soient pas remis en cause ! Les profits juteux tirés de l’industrie de l’armement vont à l’encontre d’une recherche de solutions pacifiques aux guerres qui touchent nombre de pays, notamment en Afrique. Le plus souvent, derrière les différentes factions en guerre se cachent les intérêts des pays dominants et notamment ceux des multinationales. Nous refusons que les femmes continuent à être les premières victimes de l’impérialisme et du capitalisme.

Congo : le viol comme arme de guerre

La Marche mondiale des femmes convergera cette année vers le Sud-Kivu, la région des grands lacs en République démocratique du Congo (RDC) où se concentre depuis une quinzaine d’années une guerre économique d’une grande violence pour les populations locales. La République démocratique du Congo (RDC) est riche en ressources minières : or, étain, coltan (minerai indispensable à la fabrication des téléphones portables)... Les pays avoisinants et les multinationales s’entredéchirent pour s’accaparer les ressources locales. Depuis 1996 et le putsch de Kabila, soutenu par le Rwanda et l’Ouganda et qui a amené la chute de Mobutu, la région a été le théâtre de deux guerres, en 1997 et de 1998 à 2002, causant des millions de morts. La guerre est maintenant supposée finie mais une véritable politique de la terreur est instaurée par des groupes armés (notamment rwandais) pour garder le contrôle des richesses minières. Depuis, les richesses de la RDC sont pillées consciencieusement. Essentiellement, le Rwanda finance l’achat de son armement par la vente du coltan qu’il pille sur le sol congolais. Bien évidemment, les multinationales chinoises, françaises ou américaines, qui ont besoin du coltan pour continuer à produire, cautionnent la pérennisation de la guerre dans l’est de la RDC. Les femmes sont, encore une fois, les premières victimes de toutes ces violences. Elles sont en particulier victimes de meurtres systématiques et le viol est réellement utilisé comme arme de guerre. Le viol de femmes de tous âges (dans certaines villes, 70 % de la population féminine a subi des violences sexuelles) est souvent accompagné de prostitution forcée, d’enlèvement et de destruction systématique du vagin et de l’utérus, forme de stérilisation symbolique et/ou effective de la population congolaise. Il s’agit d’instaurer la terreur à l’intérieur des villages afin de contrôler la population mais aussi de détruire les femmes comme génitrices et comme productrices. En dehors des situations personnelles atroces (MST, infections, stérilité, traumatismes...), ces viols permettent de terroriser et d’affamer la population, faute de femmes pour cultiver les terres. Face à cette situation, le silence dans les pays occidentaux est assourdissant. La communauté internationale est régulièrement présente en RDC pour la signature de contrats mais on ne l’entend pas parler des crimes perpétrés là-bas et du véritable féminicide auquel on assiste depuis maintenant presque quinze ans.

La Marche en Belgique

À Bruxelles, 4 000 personnes ont défilé dans les rues le samedi 6 mars pour la Marche mondiale des femmes. La Marche a choisi des lieux symboliques pour son parcours : la manifestation a débuté à la Bourse où l’autonomie économique et financière des femmes a été mise en avant. L’arrivée au Palais de justice a permis d’aborder les violences faites aux femmes. C’est dans ce dernier qu’a été présenté au public un cahier de revendications remis ensuite aux personnalités politiques présentes. La veille, une manifestation avait également eu lieu à Liège et s’était terminée par un discours et une rencontre avec Marie Kabazo Zabibu, venue du Kivu (RDC). Dans les cortèges, les appels à la paix dans les pays en guerre ont côtoyé les revendications concernant les salaires et les retraites des femmes belges. En Belgique, l’écart salarial moyen entre les hommes et les femmes est de 24 %. Ceci signifie concrètement que les femmes doivent, en moyenne, travailler trois mois de plus pour gagner le même salaire annuel que les hommes. Depuis 2001, l’État a mis en place des titres-services qui servent à rémunérer des services ménagers et domestiques. L’organisation de ces services est confiée à des sociétés agréées qui ne paient aucune cotisation sociale puisque l’État paye tout. Pour les femmes qui travaillent dans ces services, la précarité reste la même. Concernant les retraites, les femmes belges sont également les premières touchées par la misère. Enfin, la fiscalité belge comporte une particularité : le quotient conjugal qui vise à attribuer de manière fictive une partie du revenu à l’adulte qui est à charge (dans 98 % des cas, il s’agit de la femme) du contribuable principal. Le calcul de l’impôt se fait sur ce revenu comme s’il était produit par la personne. Cette réforme fiscale datant de 1989 a pour objectif de tenir les femmes à l’écart du marché de l’emploi afin de ne pas gonfler les statistiques du chômage.