Publié le Dimanche 23 mars 2014 à 08h44.

Violences sexuelles : l’armée pire qu’ailleurs ?

L’enquête de Leila Miñano et Julia Pascual sur les violences sexuelles dans l’armée (1) est édifiante : harcèlements, violences, viols… et silence voire complicité de la hiérarchie.

L’absence de disposition dans le code de la défense permettant aux femmes de porter plainte, les pressions pour qu’elles se taisent, les mutations quasi systématiques des victimes qui osent parler ou qui sont tout simplement réformées, la volonté d’étouffer tout ce qui pourrait remettre en cause l’ordre… tout cela rend impossible une évaluation du nombre de soldates victimes de violences sexuelles.Mis au pied du mur par la publication de ce livre largement relayée dans de nombreux médias, le ministère de la Défense a annoncé la mise en place d’une enquête interne.

Résultats de l’enquête sans surpriseL’armée présente de manière exacerbée tous les traits de notre société qui permettent les  violences sexuelles : valorisation de la virilité, banalisation des blagues sexistes, esprit de corps induisant le rejet de celles qui perturberaient la cohésion du groupe, situation de stress et de violences, en particulier lors des interventions… La féminisation récente et rapide de l’armée s’est faite sans aucune réflexion sur la place des femmes dans cette institution masculine et aux valeurs particulièrement réactionnaires. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les violences sexuelles y soient importantes. Jusqu’ici, une relative clémence protégeait les coupables, mais certaines femmes osent défier l’institution et porter leur affaire en justice, souvent au prix de leur départ de l’armée.

Une armée non sexiste est-elle possible ?De manière générale, la disparition des violences sexistes suppose un changement radical des rapports hommes/femmes. Il est improbable que ce changement ait lieu en premier lieu dans l’armée, même si la situation peut être améliorée, comme l’a montré l’action menée en Suède.Pourrait-on envisager une armée paritaire, avec un commandement qui le serait aussi ? Un fonctionnement transparent, la possibilité de démettre sa hiérarchie en cas de comportement sexiste ? On voit bien que cela est absurde et on imagine la réaction du haut commandement à de telles propositions ! Se débarrasser de millénaires de monopole masculin sur les armes suppose « tout simplement » la fin du patriarcat…

Hélène Pierre et Elsa Collonges

1 – La Guerre invisible , révélations sur les violences sexuelles dans l’armée française, Leila Miñano et Julia Pascual, éditions les Arènes, 2014, 19,80 euros.