Comme ailleurs, le variant Delta est devenu dominant aux Philippines, provoquant une nouvelle vague de contaminations, plus grave que la précédente. Malgré cela, la présidence Duterte se comporte comme si l’épidémie était déjà derrière nous. Le projet de budget, actuellement en discussion législative, ne prévoit aucune mesure financière en faveur du personnel soignant, qui a pourtant payé un lourd tribut dans son combat de première ligne contre Covid-19. Nombreux sont celles et ceux qui sont mortes, qui sont tombées malades et, épuisées, ont démissionné, ou ont émigré. Dans bien des provinces, les soignant.es sont descendus dans la rue pour exiger notamment des primes de risque et des allocations permettant de couvrir leurs frais de déplacement, logement, transport...
Je voudrais témoigner de ce que cela implique là où j’habite, la région Centre de l’île de Mindanao, au sud de l’archipel philippin. L’administration est impotente, l’armée harcèle les associations plutôt qu’elle n’aide la population, aucune politique sanitaire cohérente n’est mise en œuvre. Si certains hôpitaux fonctionnent efficacement, le système de santé est en crise, souvent délabré. Au point que les réseaux et communautés populaires doivent trop souvent se substituer aux autorités en principe compétentes.
Nous vivons dans un territoire où les crises humanitaires sont fréquentes : tremblements de terre, ouragans ravageurs et inondations, multiples conflits armés provoquant des déplacements sans fin de population… Nos associations ont donc l’habitude d’intervenir en situation de crise et elles ont un réel savoir-faire en ce domaine. Depuis le début de la pandémie Covid-19, nous nous informons et nous informons sur les mesures de protection à prendre ; et pourtant, nous avons été débordés par le variant Delta tant sa contagiosité est grande. Le taux de vaccination est ici très bas. Un certain nombre d’entre nous ont été contaminés et, malgré les mesures d’urgence que nous avons prises, l’un de nos membres vient de décéder. Le coup est rude pour nous toutes, pour nous tous.
Quelles mesures avons-nous prises, en lien avec nos communautés populaires ? Nous demandons à tout le monde de se tester. Nous renforçons les gestes barrières. Nous créons des centres d’isolement pour les personnes testées positives par rt-pcr (ces tests sont payants). Celles qui sont testées négatives sont chargées de leur apporter alimentation et médicaments, de les aider à rester en lien avec leurs proches. Nous achetons des réserves d’oxygènes et nous les stationnons partout où nous pouvons. Pour suivre l’évolution de leur état de santé, il nous faut aussi des oxymètres, tensiomètres, tests de glycémie. Nous enseignons des méthodes de respiration préalablement apprises pour faire face à des situations de grand stress, comme en cas de crise humanitaire. Nous recherchons les contacts que les personnes contaminées ont pu avoir, pour leur demander de se tester et s’isoler. Nous continuons à suivre celles et ceux qui sont hospitalisés.
Nous voulons continuer à mener nos activités associatives habituelles, mais il nous faut pour cela nous protéger de l’épidémie, et protéger nos communautés. C’est devenu un préalable.
Nous avons établi un fonds régional d’urgence Covid, mais le coûts sont extrêmement élevés. Pour faire face, nous avons besoin d’aide financière internationale.
Bien entendu, nous savons que nous ne sommes pas les seuls en situation critique, qu’en Asie du Sud-Est notamment la nouvelle vague épidémique fait des ravages et nous voulons partager avec nos voisins la solidarité internationale. Ce n’est pas un vain mot, mais un engagement actif.
En solidarité.
Pour le soutien financier, voir sur le site ESSF (à la fin de l’article).