En quelques secondes, le temps d’une signature, Trump et Musk mettent en danger de mort des millions de personnes, confirmant la précarité des aides des pays riches.
«Des fous radicaux », c’est ce que pense Trump des dirigeants de l’USAID (l’agence des États-Unis pour le développement international) dont il vient de geler pour 90 jours l’activité. Son comparse Elon Musk compare la structure mise en place en 1961 par Kennedy avec une « organisation criminelle ». Les personnels de l’agence de développement sont mis à pied, ceux travaillant à l’étranger doivent rentrer avant la fin du mois à Washington et les personnels locaux sont pour la plupart licenciés.
Des millions de victimes potentielles
Le devenir de l’USAID est incertain, la plupart des observateurs parient sur une intégration au Secrétariat d’État (l’équivalent du ministère des Affaires étrangères) permettant ainsi d’en finir avec la large autonomie dont bénéficie l’organisme.
Doté d’un fonds de plus de 40 milliards de dollars, le principal bénéficiaire n’est pas l’Afrique qui n’arrive qu’en seconde position mais l’Europe avec l’aide à l’Ukraine, qui s’est élevée à 17 milliards de dollars pour des projets de soutien à l’économie et aux institutions.
En 2023, l’Afrique a bénéficié de plus de 15 milliards de dollars avec deux postes importants, l’aide d’urgence et la santé. La coupe brutale et sans préavis met en danger de mort des millions de personnes en les privant de leurs médicaments, notamment les antiviraux pour le traitement du VIH.
Ce gel fragilise également les structures de prévention sanitaire, tant les dispositifs d’alerte précoce contre les épidémies que la logistique pour la distribution des vaccins. Cet affaiblissement est d’autant plus inquiétant qu’il se conjugue dans le même temps avec le retrait des États-Unis de l’OMS (Organisation mondiale de la santé).
Un ordre injuste
De nombreuses personnes aux États-Unis considèrent cette mesure comme néfaste surtout pour la politique américaine qui risque de subir les effets négatifs, que cela soit sur la fiabilité des engagements du pays ou l’affaiblissement de son soft power et de son pouvoir de pression. Ce qui est certainement vrai. Mais cette mesure illustre surtout et tragiquement que si les politiques d’aide au développement des pays riches existent, c’est parce que ces mêmes pays riches imposent les politiques d’ajustements structurels qui perdurent sous d’autres noms, profitent de la division internationale du travail pour piller les ressources des pays dits pauvres avec la complicité des potentats locaux.
La volonté de démanteler l’USAID, couplée avec les réductions des politiques d’aide au développement des pays européens — rappelons que les Pays-Bas vont réduire leur dotation de 9 milliards de dollars dans les quatre ans à venir, et les budgets 2025 de la France et de l’Allemagne diminuent respectivement de 2 milliards et 1,7 milliard de dollars — démontrent que la solution ne réside pas dans la dépendance de l’aide mais dans une lutte pour un changement fondamental de l’ordre mondial. Un combat réellement de… « fous radicaux ».
Paul Martial