Publié le Dimanche 7 janvier 2018 à 09h53.

Amérique latine 2017 : annus horribilis pour les VénézuélienEs

Retour sur l'année 2017. L’année qui vient de s'achever a été dure pour les VénézuélienEs. Confrontés à des pénuries massives d’aliments et de médicaments, ils et elles se retrouvent face à une double impasse politique, celle du gouvernement de plus en plus autoritaire et celle de l’opposition toujours aussi liée aux classes possédantes. 

L’année 2017 a été dramatique pour les VénézuélienEs. D’avril à juillet, le pays a été le théâtre de manifestations et de violences qui ont coûté la vie à 124 personnes, dont la responsabilité incombe à la fois à une répression étatique disproportionnée et à des violences politiques des deux bords. Parmi ces manifestantEs, il y avait sans nul doute des militantEs de la coalition conservatrice, mais aussi de simples citoyenEs révoltés par la dégradation de leurs conditions de vie et porteurEs de revendications légitimes, même si la direction politique du mouvement n’a absolument rien de progressiste. Le pouvoir politique se retrouve désormais confisqué par une Assemblée nationale constituante, élue fin juillet selon un mode de scrutin inéquitable, aux prérogatives supra-constitutionnelles et aux ordres de Nicolás Maduro. 

Un effondrement économique

Le pays est en récession pour la quatrième année consécutive. La dépendance du Venezuela à la rente pétrolière rend d’autant plus terribles l’effondrement des cours depuis l’été 2014 et le mauvais entretien des installations du pays. Le détournement du taux de change par les grandes entreprises, avec la complicité des plus hautes instances gouvernementales, a détruit la monnaie locale au point que le gouvernement a mis en place une crypto-monnaie hypothéquant encore davantage les ressources pétrolières. Ces problèmes monétaires sont à l’origine de difficultés d’importations qui rendent difficile l’accès aux produits de première nécessité, les aliments, les médicaments… Les VénézuélienEs subissent une hyper­inflation, qui a atteint cette année les 1 000 % et qui ruine leur pouvoir d’achat. Le salaire minimum ne représente qu’un quart des dépenses alimentaires ­mensuelles d’un foyer. 

Dans cette situation, tout gouvernement progressiste donnerait la priorité à l’importation de produits de première nécessité pour soigner et alimenter la population plutôt que de payer ses créances. Nicolás Maduro a choisi, pour sa part, de rembourser rubis sur l’ongle une dette qui atteint un montant de 100 à 150 milliards de dollars. En août dernier, les États-Unis ont durci encore davantage l’accès aux marchés financiers en interdisant aux entreprises et aux citoyenEs de son pays de contracter de nouvelles obligations à l’égard du Venezuela. Le gouvernement Maduro se retrouve ainsi à s’endetter dans des conditions encore plus défavorables. La coalition d’opposition, dépeinte dans les médias occidentaux comme progressiste et démocratique, a d’ailleurs approuvé ces sanctions qui aggravent les conditions de vie de son propre peuple. Deux agences de notation, S&P et Fitch, ont déclaré l’État vénézuélien et l’entreprise pétrolière publique, PDVSA, en défaut partiel de paiement. Le gouvernement a confié à un militaire la direction de cette entreprise, accroissant encore davantage l’influence de l’armée au sein des institutions : un tiers du gouvernement en est issu, une vingtaine d’entreprises publiques sont aujourd’hui dirigées par des militaires.    

Reconstruire une alternative

Lors des élections municipales du 10 décembre, après des décennies de bipolarisation totale entre le chavisme et l’opposition bourgeoise, une gauche a émergé dans certains endroits. Dans l’ouest de Caracas, un ancien ministre de Chávez soutenu par le Parti communiste et un autre parti de gauche, défendait un « chavisme honnête » à 1 000 lieues des pratiques gouvernementales. Par des manœuvres bureaucratiques, son nom n’apparaissait pas sur les machines électroniques de vote. Son score, cumulé à celui d’un ancien membre de Marea Socialista soutenu par un parti d’origine évangéliste, et à celui du candidat soutenu par Marea Socialista, atteint 10 % des suffrages. Dans la municipalité de Simón Planas, un leader de quartier autonome du gouvernement a gagné l’élection contre le candidat gouvernemental, et les institutions électorales aux mains de Maduro refusent de lui octroyer la victoire. Il reste encore à donner un contenu de classe à ce mécontentement légitime contre le gouvernement Maduro pour reconstruire l’espérance dans une société socialiste face à la crise économique dramatique que connaît aujourd’hui le Venezuela.    

Pour 2018, souhaitons aux VénézuélienEs que, par leurs mobilisations, ils parviennent à l’annulation de cette dette illégitime, à la récupération des centaines de milliards de dollars volés à l’État vénézuélien par le détournement du taux de change et à la reconstruction d’une organisation défendant authentiquement les classes populaires, contre la bureaucratisation autoritaire du gouvernement et la restauration bourgeoise soumise aux volontés de Donald Trump et de l’opposition. 

Pedro Huarcaya